J’ENTENDS un cœur qui bat. Il fait bien trop de bruit pour être le mien. Tout s’accélère. Je dois ouvrir la bouche et faire un effort pour respirer. C’est là que le hurlement s’élève. Je ne peux plus penser. Je me réveille en sursaut, les yeux écarquillés, la respiration haletante. La peur est là, tordant comme une bête fauve l’espace occupé jusque-là par mon cœur et mon estomac. Je mets quelques minutes avant de comprendre ce qui me met dans cet état. Aujourd’hui, nous allons nous battre pour notre salut. Aujourd’hui, il y aura des morts. J’en suis presque certain. A cette pensée, je frissonne malgré la chaleur qui me colle à la peau et je finis par m’extirper de la tanière des guerriers en toute hâte.

J’inspire un grand coup tandis que mon regard s’attarde sur le paysage environnant. Je contemple l’aurore aux doigts de rose, d’un blanc crémeux, qui se plait à dévoiler ses pâles rayons lumineux sur les terres encore assoupies. Le jour se lève avec une lenteur absolue tandis qu’un brouillard nébuleux ondoie encore au-dessus du clan et semble se suspendre à la végétation. Les oiseaux, quant à eux, psalmodient leurs aubades entêtantes, haut perchés sur leurs branches, tandis que d’autres valsent dans les airs, galvanisés par une sensation de liberté inouïe. Je souris malgré la peur qui me ronge de l’intérieur et la culpabilité qui m’assaille. Une guerre va éclater dans le but de récupérer des terres qui nous appartenaient il y a bien longtemps. Et j’en ai donné l’idée. Je me revois scruter les visages suspicieux de chacun des guerriers présents à notre dernière assemblée. Je m’entends prendre la parole d’une voix assurée, résolue. « Attendez, nous ne pouvons pas nous incliner face au clan de la Rivière. Il y a une solution. Cette solution, vous m’entendez, c’est de prendre les Rochers du Soleil que nous leur avions concédé il y a de cela bien des lunes ! Détenir ces terres nous permettrait un accès direct à l’eau… Et tous nos problèmes seraient résolus.... De l'eau, de l'eau à profusion. »
A cette pensée, je secoue la tête. Je ne sais pas ce qui m’est passé par la tête quand j’ai proposé mon plan ce jour-là. Mais je sais, aujourd’hui, que j’aurais mieux fait de me taire et de rester dans l’ombre des autres guerriers. Pour une fois, j’aurais dû me taire et laisser quelqu’un d’autre prendre la parole pour exposer ses idées. Désormais, je devrais vivre avec ce poids sur mes épaules, ce fardeau qui, je le sens déjà, m’oppresse et me cloue sur place : ce n’est pas un simple plan d’attaque que j’ai suggéré. C’est la guerre.
Je ferme les yeux et serre les dents. Quoi qu’il en soit, je ne peux plus reculer. Je ne suis pas un lâche. J’ai peur mais je ne suis pas un lâche. Je suis prêt à tuer s’il le faut. Intérieurement, je rugis. La bête qui sommeillait en moi s’est réveillée. La culpabilité qui me tiraillait semble s’être envolée, pour le moment. Désormais, je n’attends plus qu’une chose : la bataille qui nous opposera au clan de la Rivière.

♦ ♣ ♠

Je suis en marche aux côtés de mon clan. De ma famille. Nous avançons comme une seule et même personne, comme un cœur à l’unisson. Ensemble, nous allons récupérer ce qui nous est dû. Je suis plus que déterminé désormais, après avoir ravalé ma culpabilité. Rien ne m’arrêtera. Rien ne nous arrêtera. Je souris et découvre mes crocs d’ivoire qui luisent au soleil. Nous partons en guerre.

Quand nous arrivons, chacun se met en place selon les ordres qui nous ont été donnés avant de partir. Moi, je reste tapi avec la plupart des guerriers, piétinant d’impatience. J’ai du mal à me contenir. Nous sommes si proches de la rivière, et pourtant si loin. Avant d’en obtenir l’accès, il faudra nous démener comme les bêtes sauvages que nous sommes tous, au fond. Certains l’en paieront de leurs vies. Je soupire.
Je sens déjà le soleil qui me transperce et me colle à la peau. J’ai l’impression qu’un étau se resserre sur moi, me comprime, me fait suffoquer, m’empêche de respirer. Tout bascule autour de moi et le sol lui-même s’ouvre comme un gouffre béant. Je secoue la tête. Non, ça ne peut être que le fruit de mon imagination. Je me sens défaillir mais je n’esquisse pas le moindre mouvement. La lumière m’aveugle. Elle recouvre mes yeux d’un voile blanc. Je ne sens plus que la chaleur accablante du soleil sur ma peau et mon cœur qui bat à tout rompre dans ma poitrine. Le souffle court, je tente tant bien que mal de reprendre ma respiration, en ignorant les regards de mes congénères. Si tout à l’heure nous n’étions qu’un cœur à l’unisson, je ne veux maintenant m’entourer que du vide et du silence. Je m’isole pour me concentrer sur ma respiration et ma peur. Et soudain, je prends conscience d’une chose. Elle ne me paralyse pas comme je l’aurais cru, non. Elle m’éveille. Je me sens plus vivant que jamais tandis que mon cœur tambourine dans ma poitrine à une vitesse inimaginable. Je sens un feu intense m’embraser et dévaler le long de mes veines. Ce même feu intense qui me redonne une énergie sans pareille et ce courage incommensurable. Je suis prêt à me battre. Mes membres fourmillent d’une hâte et d’une fébrilité non contenues tandis que mes griffes se plantent avec une hargne sans pareille dans la terre sèche.
Je bois les paroles qui s’élèvent dans l’air, je suis l’échange des deux meneuses qui se font face. Avant d’entendre cet appel à la bataille et au sang qui s’échappe de la rive ennemie. « Et bien, ce sera de force alors ! » A ces mots, et comme mon clan, je m’élance vers mes adversaires. J’entends mes pattes qui martèlent le sol. J’entends mon souffle irrégulier, saccadé. Courir, galoper, courir, encore et encore, dans une débauche d'énergie, dans une explosion de vigueur et de puissance. Courir et sentir mon souffle se faire de plus en plus rauque, courir et sentir mes membres s'épuiser à cause de la fatigue, courir et sentir les battements infernaux de mon cœur dans ma poitrine, prêt à exploser. J’accélère encore et, à chaque foulée, je me jette à corps perdu dans la bataille, tandis que mes veines battent à mes tempes dans un rythme infernal qui ne fait que s'accélérer à mesure que les secondes s’écoulent. Un rugissement sourd s’échappe de ma gorge tandis que je me propulse à l’aide de mes pattes arrière et charge deux guerrières de la Rivière. Mes muscles me brûlent mais je n’en ai que faire : je me sens enveloppé dans un amalgame d’ivresse et d’euphorie que génère le combat.
Je ressens soudain un choc terrible qui fait vibrer tout mon corps, après avoir percuté les deux félines. Je me jette sur la première. En espérant que tout ne se finisse pas ici. En espérant que ma témérité ne me coûtera pas la vie.

Nous étions les rois et les reines de la promesse
Nous étions les victimes de nous-mêmes.

Les temps sont durs. Nuage du Dauphin le sait très bien. Mais lui savait que le clan de la Rivière pouvait gagner. Le sang giclait de partout. Les poils s'envolèrent, les guerriers se déchaînèrent. L'apprenti du clan de la Rivière avait mis une bonne raclée à l'apprentie guérisseuse. Mais comme toujours, une inondation de chats vient toujours lui sauter dessus. Un mâle adulte s'approcha. « Repose une patte sur ma fille, et t'es mort. » Il pensait pouvoir faire peur ? Nuage du Dauphin avait presque atteint sa taille adulte. Il n'avait pas peur d'un vulgaire chat du clan du Tonnerre. Exprès, il posa sa patte sur la tête de Nuage de Lionnes et la bouscula. Il ne savait pas s'il avait mis assez de force pour la faire tomber. Mais en faisant ça, il défiait le mâle. Un contre un, sans aucun autre guerrier ne pouvant voler à la rescousse d'un ou d'une autre.

« Alors je mourrai. » Cracha t-il au yeux du mâle.

Il était vrai que Nuage du Dauphin comptait beaucoup cette bataille. Il allait faire gagner son clan, qu cela plaise ou non. Il poignardait du regard le mâle du Tonnerre. Mais au lieu de s'enfuir, Nuage du Dauphin allait se battre. Même s'il mourrait, il le fera pour son clan. Alors, une partie de combat, ça te tente, gros lard ?

.: EDENGLINT :. WE NEED WATER

TONNERRE - REFLET D'EDEN


En un instant, la douceur et le calme de l'aube ont laissé place à un tumulte assourdissant, un chaos de fourrure et de crocs luisant dans le levant. Les cris de rage ont emplis l'air tiède, fait taire les oiseaux, et s'entrechoquent à présent dans les parois des rochers du Soleil. Au signal d'Etoile de la Biche, les félins cachés derrière les roches ont jaillis de leur cachette pour s'élancer droit sur les félins ennemis qui déboulait de derrière les roseaux. Haletante, j'ai vu Constellation du Trèfle se jeter sans réfléchir dans la bataille, et mon cœur s'est emballé. Il me déteste, il me hait, mais il est comme un fils pour moi. Il est celui qui m'a sauvé. Comment pourrais-je le regarder se faire arracher la fourrure. Je me glisse hors de la crevasse qui m'a servit de refuge pour me ruer vers le front en feulant. Le sang tambourine dans mes tempes douloureusement. Le bruit me déchire les oreilles. Me battre, c'est toujours un honneur de le faire, de servir mon clan, mais j'ai toujours si peur de perdre les miens. Du coin de l'oeil, j’aperçois la fourrure bicolore de mon frère qui contourne la mêlée en quête d'un adversaire. Je l'observe un instant, hésitant à le rejoindre, lorsqu'un félin adverse m'agrippe les reins de ses griffes acérées. Je pousse un cri de douleur et me laisse tomber de côté pour le faire lâcher prise. Il crache, me donnant l'occasion charmante de sentir sa délicate haleine poissonneuse. Furieuse, je roule sur le dos, lui assénant un coup de patte arrière dans le menton, avant de sauter sur mes pattes. Ses dents s'entrechoquent, il geint. Je le toise, le pelage en bataille, attendant sa prochaine attaque, mais il se contente de me tourner le dos pour bondir sur un de mes camarades. Grognant, je m'apprête à bondir sur un autre félin, le cœur soudain gonflé par l'envie d'en découdre, quand une voix familière m'attire.

« Salue le Clan des Étoiles pour moi petite, tu t'es bien battue. »

C'est Possession du Nogitsune, penché sur une apprentie tricolore, les crocs à découvert près de sa gorge. Mon cœur manque un battement. Comment peut-il s'en prendre et menacer ainsi une apprentie ? Je feule et vient bousculer brutalement mon camarade.

« Espèce de cervelle de souris, nous ne sommes pas là pour tuer, tu n'as donc aucun honneur ? »

A peine ai-je le temps de reprendre mon souffle d'une femelle de la Rivière bondit sur le félin et l'envoi rouler plus loin. Je pose mon regard sur la novice qui halète, toujours au sol. Elle saigne, mais ses blessure semble superficiel. Je me penche sur elle, les crocs mis à nu.

« Enfuie-toi maintenant, avant que je ne sois obligée de t'attaquer. »

.: DOESTAR :. WE NEED WATER

TONNERRE - ETOILE DE LA BICHE


Rosée du Matin, la guerrière qui accompagne Etoile Majestueuse, fait un pas en avant et prend la parole, le pelage en bataille. Je crache sans ménagement tandis que sa chef la fait taire d'un mouvement de queue. J'ouvre la gueule pour répondre à l'effrontée que de nos deux clans, c'est bien le mien qui souffre, mais c'est la femelle blanche qui prend la parole.

« Jamais je ne vous laisserai conquérir notre territoire, tu m'entends, jamais ! »

L'apprenti est de retour, il se poste, essoufflé devant sa meneuse et balance une nouvelle réplique à laquelle Coeur d'Ours répond, l'air furibond. Je fouette l'air de la queue pour intimer le silence à mes guerriers, sans quitter Etoile Majestueuse des yeux. Elle veut la guerre, elle l'aura, nous ne pouvons faire marche arrière. La survie du clan dépend de la victoire, la négociation n'est plus possible. Si nous sommes vaincus, nous perdons tout espoir d'avoir accès à l'eau. Je déglutis difficilement, priant pour que la solution choisis soit la meilleure, songeant l'espace d'un instant à mes petits, seuls dans ma tanière, et à tout les autres qui attendent au camp dans l'inquiétude. Je n'ai pas le droit de les laisser. Je consacrerais mes neufs vies à cette bataille s'il le faut. La queue de la meneuse blanche se dresse vers le ciel, son regard lance des éclairs. Instinctivement, mes griffes sortent de leur fourreaux pour venir lacérer la roche sous mes pattes.

« Et bien ce sera de force alors ! » Feule-t-elle.

Dans la seconde suivante, une marée de chat au pelage trempé fond sur la patrouille à découvert. Coeur d'Ours, Bois de Frêne, Soir d'Orage, Ecaille d'Hippocampe, ils se trouvent tous submergé par un clan entier de félins belliqueux. Rejetant la tête en arrière, je pousse un cri de guerre, et mes propres guerriers se jettent hors de leurs cachettes pour leur venir en aide. Je me retourne pour trouver Etoile Majestueuse, mais elle a disparue dans la mêlée. Furieuse, je joue des épaules pour progresser parmi les félins au corps à corps, cherchant mon adversaire, lorsqu'un feulement me fait stopper. Mémoire des Océans fait face à l'apprenti messager, les oreilles collées à son crâne. Derrière eux, Nuage de Lionnes se tient recroquevillée, les yeux écarquillée. Le menton haut, le jeune chat la bouscule dans ménagement, le regard planté dans celui de son père. Il le provoque. Feulant, je contourne le duo pour atteindre Nuage de Lionnes.

« Tu n'as pas à te battre, tu vas te faire mettre en pièce. Rejoins ton mentor au lieu de jouer l'apprentie-guerrière. » Je gronde, un peu plus durement que je ne l'aurais souhaité, mais assez pour lui faire comprendre, je l'espère, que je ne veux pas qu'il lui arrive malheur. Du bout du museau je l'encourage à rejoindre Fantaisie Nuageuse tandis qu'un de ces poissons-chats se jette sur moi. Déséquilibrée, je tombe de tout mon poids sur la roche en grognant sous le choc, et roule avec le guerrier sur quelques mètres, battant follement des pattes. Il est plus gros que moi, mais peu m'importe, je finis par avoir l'habitude. Mes crocs se referment sur sa patte tandis que je laboure son ventre de mes pattes arrières. Il lâche prise, je me relève, prête à encaisser un nouvel assaut. Mais soudain il disparaît derrière un patchwork de fourrure déchainé. Panthère des Neiges est au prise avec Possession du Nogitsune. Je pivote, en quête d'un adversaire ou de leur chef, les pattes fourmillantes du désir de me battre pour mon clan.

.: EDENGLINT :. WE NEED WATER

TONNERRE - REFLET D'EDEN


L'apprentie se redresse sur ses pattes flageolante, et me dévisage bêtement. A priori, elle est encore en état de se battre, mais moi je ne veux pas l'attaquer. Quelque chose m'en empêche. Cette apprentie est encore jeune, elle semble terrifié, plongé dans une bataille qui n'est pas la sienne. Est-elle novice depuis longtemps ? Je l'étudie malgré la bataille qui fait rage derrière nous. Elle est petite, le pelage tricolore hérissé sur ses épaules. Elle pourrait avoir l'âge de mes chatons, peut-être un peu plus, je ne sais pas trop. Puis un cri de rage me ramène la la réalité. J'esquive de peu l'un de mes camarades qui roules avec une femelle adverse. Je m'ébroue, histoire de reprendre un peu mes marques, et repose mon regard sur la femelle. Je me penche vers elle, les oreilles plaqués sur le crâne.

« Qu'est ce que tu fais ? Tu prends racine ? Bats-toi ou fuis, mais ne reste pas plantée là comme ça. » Je feule en fouettant l'air de ma queue.

Mais l'apprentie n'a pas besoin de réagir, une femelle se rue vers nous et l'emmène un peu plus loin d'un geste rassurant. Je me détourne, un petit pincement au cœur. Cette jeune chatte a fait remonté en moi des souvenirs que j'aurais préférés oublié. Des souvenirs de cette nuit dans la tanière de la guérisseuse, Nacre de la Sirène, durant mon séjour au sein du clan de l'Ombre. Cette nuit de douleur et de sang, et ses petits corps entassé, trempé, sans vie. Je ne sais même pas quelle était la couleur de leur pelage. Des griffes dans ma fourrure et je reviens sur terre. Pourquoi penser à ça dans un moment pareil ? Je feule, me débarrasse de mon adversaire d'un coup d'épaule et m'enfonce dans la mêlée à la recherche de Constellation du Trèfle. Je dois m'assurer qu'il va bien, même si lui, ce n'est pas mon fils.

.: MADDERPAW :. LET'S FIGHT FOR HONOR

RIVIERE - NUAGE DE GARANCE


La nouvelle est tombée. Le Clan du Tonnerre nous envahit. Je suis révoltée, indignée, furieuse, terrifiée. Mes pattes trembles sous mon corps de chaton. Mon pelage hérissé me fait sembler à une boule toute rousse et toute duveteuse. A peine trois jours que je suis apprentie, et voilà que le clan va déjà se battre. Je déambule dans le temps, jetant des regard inquisiteur vers mon mentor de temps à autres. Il ne me regarde pas. Je ne sais pas si je dois me battre ou rester au camps. Je ne sais même pas encore nager ! Les félins se mettent en marche. J'hésite, fais un pas en avant, trois en arrière, geint de terreur et finalement m'élance à la suite de mon mentor, le cœur tambourinant atrocement dans ma poitrine. Les autres y vont bien eux, je ne peux pas les laisser seuls. Dans la troupe, j’aperçois Nuage de Douceur baptisée en même temps que moi. Est-ce qu'elle a peur, elle aussi ? Peur de quoi ? De mourir, de perdre, de déshonorer son clan ? J'ai peur de tout ça moi. Je fais ma grande dure mais au fond j'aimerais qu'on me protège, qu'on me défende, comme lorsque j'étais chaton. Me battre pour mon clan, sur le papier ça enthousiaste, mais quand j'entend au loin les feulement et les tumultes du combat, mes pattes se raidissent, et j'ai soudain envie de faire demi-tour. J'inspire, j'expire, je me force, je regarde droit devant moi. Je le dois, c'est mon devoir. Requiem des Lamentations marche tout près. Je lui lance un regard désespéré, mais il semble si concentré que je n'ose le déranger avec mes jérémiades. Lui est courageux, je dois l'être aussi.

Arrivée à la rivière, les félins se mettent à l'eau. J'hésite, plongeant une patte dans le courant, la fourrure hérissé. Non non, je vais me noyer, je n'ai jamais nagé, et encore moins dans la rivière. Les autres novices les moins expérimenté contourne le cours d'eau vers des pierres plates qui affleurent un peu en amont. Je me rue à leur suite et bondis sur le gué pour rejoindre l'autre rive. La scène devant moi est déconcertante. Des dizaines de chats roulent et se battent au corps à corps, dans un écho de feulement et de chair déchirée. Je frissonne, les pattes ancrée dans le sol, incapable de respirer. J'ai peur mon dieu, j'ai tellement peur. Pourquoi je fanfaronne tout le temps alors que je ne vaux rien quand il faut se battre ? Poussée par le convois, je me met à courir, sans conviction, la vue brouillée par mon horreur. Et lorsque mes camarades se séparent pour attaquer, je me trouve seule dans la mêlée. Requiem des Lamentations n'est nul par en vue. Désespérée, je cherche une figure connue, un bout de bois auquel me rattacher. Plus loin, une fourrure blanche attire mon regard. Nuage du Fossoyeur ! Il se bat contre un ennemi deux fois plus gros que lui, à coup de pattes frénétique. L'autre ne semble que bien peu affecté. Horrifiée, je me précipite sur le guerrier pour mordre sa patte en feulant, plus par instinct en réalité. Je ne peux pas laisser mon copain se battre tout seul quand moi je suis là, à trembler comme une tige de roseau.