Elle aurait bien aimé, elle, ne penser à rien. Ce serait tellement si agréable, juste une fois, de fermer les yeux sur la réalité, d'éteindre le torrent de pensées qui l'assaillaient de plus en plus souvent. Elle se questionnait de plus en plus sur la raison de son existence, sur son avenir dans le Clan du Tonnerre et sur les relations qu'elle entretenait avec ses camarades. Et ces interrogations sur elle-même et sa vie s'étaient intensifiés depuis qu'elle avait vu sa mère, sa chère mère qu'elle n'avait plus revue depuis ses six lunes. Étant chaton, elle avait eu le malheur de s'éloigner d'elle et de la perdre... Avant de se retrouver dans la tanière des apprentis du Clan du Tonnerre. Maintenant qu'elle y pensait, elle avait atteint son but dans la vie, enfin presque. Lorsqu'elle n'était qu'un enfant, sa mère lui avait raconté toutes sortes d'histoires sur les guerriers et leurs vies. C'était ce qui l'avait motivée à l'entraînement, ce qui lui avait donné des ailes pour redoubler d'efforts. Et maintenant ? Pas de famille, pas d'amour à l'horizon. Quelques rares amis et le dédain de certains. C'était tout ce qu'elle avait en retour ? Qui sème le vent récolte la tempête. Mais pourquoi ses origines qu'elle n'avait pas choisi était le vent semé ?

Reflet du Ruisseau était sorti du camp en soupirant, une fois revenue de patrouille. Elle savait que le seul moyen d'apaiser la tornade dans sa tête et son coeur était de s'éloigner pour mieux revenir. Elle avait besoin de s'isoler, de prendre du temps pour elle-même. Elle ne pourrait rien donner de plus aux autres tant qu'elle n'avait pas fait la paix avec son âme. Ainsi, la féline avait laissé ses pas la guider jusqu'à la Clairière. Un lieu calme et paisible qu'elle avait toujours apprécié. Mais cette fois, une odeur connue y flottait, un parfum qu'elle avait imprimé dans sa mémoire. Elle poussa un miaulement, elle se souvenait bien du matou rencontré il y avait quelques semaines.

" Eddie ? "

(jpp jtrouvais pas le rp à cause de ton Amityville)

Plus elle s'approchait, plus les souvenirs de leur dernière rencontre lui revenait en mémoire. Eddie. Un solitaire mystérieux, mais à la compagnie agréable. Elle n'avait pas le droit de le penser sans doute. Mais elle était tombée sur lui par hasard au moment où elle s'était sentie trop seule et pourtant entourée d'un Clan entier. Elle n'y pouvait rien. En même temps, sa vision de lui avait pu être altérée par son besoin de compagnie. On verra bien si l'opinion qu'elle avait de lui allait changer avec cette deuxième rencontre, qui étrangement la ravissait.

"- Eh, bonjour jolie Ruisseau." Les moustaches de la tricolore frémirent. Jolie, elle ? Il devait avoir la vue brouillée. Ou alors c'était une blague. Ouais, c'était sûrement ça. Amusant. En vérité, c'était qu'elle ne voulait pas se permettre de croire à la sincérité de ses propos. Et puis, ce serait étrange. Juste malaisant.
La guerrière ne se fit pas prier à son invitation et s'approcha du solitaire d'un pas calme. De toute façon, sûrement se serait-elle approchée au risque de se prendre un coup de patte sans demander la permission. À quoi bon ? Elle faisait ce qu'elle voulait après tout. Loin d'elle d'attendre une permission pour faire ce qu'elle désirait. Si elle voulait aller à sa rencontre, elle irait,

"- Ça me fait plaisir de te retrouver.", miaula le solitaire. Cette fois, le commentaire la fit sourire d'un air détaché. Ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas entendu dire ces quelques mots, du moins pas pour elle. Elle se demanda d'ailleurs pourquoi il lui disait ça. Qu'est-ce qu'elle avait bien pu faire pour mériter ces sept mots ? Elle n'avait rien fait de réellement spécial après tout. Elle était juste... Elle.
Ruisseau porta son regard bleuté sur l'horizon. Ça lui faisait du bien d'être loin de chez elle, à nouveau. Enfin, si elle avait encore un chez elle.

"C'est pas comme si ça faisait longtemps." fit-elle avec un sourire amusé et un regard rieur.

La guerrière n'avait pas dit cela d'une manière qui se voulait déplaisante ou défaitiste, loin de là. Elle avait appris à prendre la vie du bon côté, comme elle venait et de tourner les situations qui la rendaient mal à l'aise à la rigolade. Avec le temps, elle s'était faite à l'idée que quiconque puisse s'attacher à elle. Eh oui, bien qu'elle tentait de voir le côté positif de chaque chose, les choses avaient fait qu'elle s'était aussi construit une carapace bien plus sombre. Aucune attache, aucune douleur... pas vrai ? Ce serait bien plus simple ainsi. Elle ne voulait plus être blessée et être déçue. Elle ne savait pas si elle serait capable de le surmonter à nouveau. Enfin, peut-être bien que si, elle en avait presque l'habitude...
Sûrement Ruisseau dramatisait et voyait tout à une puissance exponentielle, mais les précédentes paroles du matou solitaire l'avaient légèrement troublée. Dérangée ? Pas vraiment. Mais cela avait fait naître en elle un petit doute. Elle avait maintenant cette manie de tout analyser, de tout examiner. Et surtout, de laisser ses propres sentiments la guider - pour ce genre de chose du moins. C'en était presque désagréable pour elle à la longue. Mais n'était-elle pas habituée à se blesser elle-même ?
" Mais nous n'aurions pas le temps de profiter de petites choses, comme les belles rencontres, si le temps passait trop vite. ", répondit-elle d'un ton calme et sage. Son visage angélique se tourna vers lui pour lui faire un petit clin d'oeil. Toutefois, elle ne doutait pas que pour certaines choses, le temps soit trop long et douloureux. Et que la vie de solitaire soit difficile, seul. Serait-ce une once de compassion et de sympathie qui serra son coeur à ce moment précis ?