Le grand mâle au pelage immaculé appréciait la vie de solitaire bien plus qu'il ne l'aurait imaginé. Il avait quitté son Clan et par le fait même, tout ce qui se rattachait à sa vie d'avant, sa vie d'enfer. Il avait laissé derrière lui ses démons du passé, les regrets, la frustration... Mais les dernières traces de sa douleur lui collaient toujours à la peau. Et c'était cette même sensation qui le hantait depuis le jour où il s'était présenté à une Assemblée. Le fait de la voir le quitter pour qu'ils vivent légalement lui avait brisé le coeur, mais au moins il était parti en se disant qu'elle serait heureuse comme ça. Mais quand il a sut qu'un renard l'avait tuée... C'était comme si ce prédateur avait pris une partie de lui-même avec lui. Il avait longtemps vécu pour elle et leurs visites nocturnes, peut-être même plus pour elle que pour son Clan. Il avait été aveuglé par l'amour, il le savait bien. Et maintenant que c'était fini, il n'avait pas su quoi faire. Son regard s'était terni, il répondait évasivement aux questions des autres. Jusqu'au jour où il ne s'était plus senti à sa place au sein du Clan de la Rivière. Impulsif qu'il était, il avait laissé son instinct le guider vers son propre exil.

Et aujourd'hui... Il renaissait. À croire que la solitude lui faisait un plus grand bien. Il avait eu besoin de temps pour se remettre et bien qu'il savait que rien ne guérirait ses plus grandes blessures, il allait mieux. C'est donc ainsi qu'Effet Papillon marchait paisiblement à travers ce champ de fleurs. C'était un endroit calme qui avait le don de le rendre plus serein de par l'odeur qui y flottait et par le chant des oiseaux qui le berçait. Bien vite, le parfum d'un rongeur lui mit l'eau à la bouche. Bien qu'il avait toujours préféré le poisson, le ventre creusé par la faim, il mangerait n'importe quoi. Il se mit en position de chasse, traquant le campagnol jusqu'à ce qu'il gise entre ses mâchoires. Lorsqu'il releva la tête, sa gueule s'ouvrit et il laissa sa proie tomber par terre.

" Effet Papillon. " Cette voix, il la connaissait que trop bien. Son coeur loupa un battement. Ce n'était pas possible.

On lui avait dit qu'elle était morte. On lui avait dit qu'un renard l'avait enlevée alors qu'elle attendait des petits, leurs petits. On lui avait dit qu'il n'aura jamais pu être le père de ces chatons alors que c'était tout ce qu'il avait pu souhaiter, et l'avoir à ses côtés. On lui avait donc menti. Une rage sourde monta en lui, une rage qu'il s'efforça de freiner. Pas une colère envers elle, mais envers ce foutu monde qui s'efforçait de gâcher le moindre petit moment d'accalmie qu'il pouvait connaître, le moindre petit tas de bonheur qu'il amassait chaque jour de beau temps. Le destin l'avait séparé d'elle comme il le ramenait, visiblement.
Il ne sut comment réagir. Il resta silencieux et complètement immobile à la regarder comme elle le faisait. Abasourdi. Cela prit quelques minutes avant qu'il ne réalise vraiment le sens de cette histoire. Elle n'était pas morte. Elle était en vie ! F déglutit avant de faire un pas vers elle. Il s'arrêta. Était-ce la marche à suivre ? Acceptera-t-elle sa présence ou refusera-t-elle de le voir ? Quittera-t-elle sa vie encore alors qu'elle venait d'y entrer à nouveau ? Que c'était-il passé, exactement ? Pourquoi ne voyait-il pas leurs enfants aux alentours, bien que devenus grands sans doute.
Le grand blanc décida de taire ses questionnements et s'avança vers elle, prenant délicatement le rongeur et venant le déposer devant elle. Un cadeau. À cet instant, il ne souhaitait que pouvoir tout lui donner, sa vie, son coeur, son amour... Mais il savait que ce serait idiot, qu'il se laisserait encore aveugler. Tant pis. Il s'assit devant elle, ne la quittant pas du regard. Il ne savait pas quoi dire, par où commencer.

"... Comment vas-tu ? ", dit-il enfin. C'était banal, mais il y avait un début à tout.