Le ciel dégagé laissait tomber quelques flocons sur le sol de la clairière ainsi que sur tout CerfBlanc. Le lieutenant se demandait encore si cette saison-ci, le camp allait être à nouveau recouvert comme il le fut la saison des neiges précédentes. Il observait le firmament de ses yeux émerveillés comme s’il retombait doucement en enfance. Les premières lunes de sa vie avaient eu lieu dans la poudreuse déposée une nuit hivernale pendant laquelle avait périt sa dernière soeur. Repenser à sa famille le fit frissonner et s’extirper aussitôt de ses pensées.
Déterminé à partir chasser et à laisser sa meneuse s’occuper des patrouilles comme elle le lui avait certifié, il sortit du camp en prévenant le garde actuel d’une petite partie de chasse solitaire qui lui ferait sûrement le plus grand bien.

Dès qu’il entra dans la forêt, après être sortit du tunnel de fougères, le rouquin avait déjà tous ses sens aux aguets, à la recherche de la moindre proie qui parviendrait à nourrir ne serait-ce que les reines, les chatons et les anciens. Tel avait toujours été son but, nourrir le futur, le présent et le passé du clan ; personne ne devait être mit de côté.
Et tandis qu’il commençait à divaguer dans les méandres de ses pensées, le matou entendit un bruit ; il était évident qu’un petit rongeur inconscient allait bientôt lui tomber entre les pattes.

Le rouquin avait raison : un écureuil se tenait non loin de là, près d’un arbuste, sûrement en train de chercher quelques choses à manger. Esprit du Lion était pleinement concentré dans sa traque, rien ni personne ne pouvait l’en sortir. Il se devait d’attraper ce beau rongeur malgré le fait qu’il soit petit et maigrelet, il nourrira tout de même une jeune portée et une reine en bonne santé.
Malheureusement bien trop concentré sur l’animal, le guerrier roux fit craquer une branche sous sa patte arrière droite alors qu’il venait tout juste de prendre soin de l’éviter avec ses antérieurs. Le rongeur leva la tête et remarqua son prédateur avant de filer aussitôt dans son arbre. Le mâle roux pesta un coup avant de se lancer immédiatement à la poursuite de sa proie. Néanmoins, l’animal fut trop furtif pour lui et à peine arriva-t-il à l’arbuste que l’écureuil avait disparu.

Déçu de ses piètres performances, Esprit du Lion n’allait néanmoins pas abandonner de sitôt. Se concentrant à nouveau tout en prenant garde à ce qui l’entourait, ses prunelles finirent par se poser doucement sur le plumage noir et blanc d’une pie à la recherche de nourriture dans le sol. Avançant délicatement vers elle, il ne mit pas longtemps avant de se lancer. Et ce fut une réussite, sans conteste. Le volatile ne l’avait même pas vu arriver, si bien qu’à peine avait-il entrouvert ses ailes que son cou s’était retrouvé dans la gueule du félin ; en un craquement, son corps était devenu inerte.

Bien décidé à ramener de quoi bien nourrir son clan, le lieutenant ne cessa pas sa chasse. Il s’était même fixé l’objectif de ramener un total de cinq belles proies aux siens afin de remplir un peu le tas de gibier.
Et bien sûr, non loin de là, une nouvelle proie avait choisit de quitter son nid.

Ou plutôt son terrier. En effet, un joli petit lapin blanc venait de faire son apparition dans le champ de vision du prédateur roux. Il se demandait ce qu’un rongeur tel que celui-ci venait faire sur le territoire du Clan du Tonnerre. En effet, les lapins sont des animaux propres au Clan du Vent étant donné la lande est leur endroit de prédilection.
Il ne savait pas encore si cela avait un rapport avec la disparition d’Étoile de la Bécasse mais il ne perdrait pas de temps avant de le savoir. La cause d’un meneur pouvait dépendre de la survie des clans.
Mais sur le moment, peu lui importait. ce petit animal semblait avancer fièrement dans les bois alors que les prédateurs étaient parfois deux fois plus nombreux que sur les hauts plateaux. Mais soudainement, il se figea quand bien même Esprit du Lion n’avait pas fait un pas de travers, n’avait ni respiré trop fort, ni fait craquer une branche. Le regard du rongeur n’allait pas non plus dans sa direction. Mais cela n’avait duré qu’un instant car lorsque le rouquin baissa la garde, l’animal le repéra et retourna sur son territoire.

Encore une fois déçu de ses piètres talents qui semblaient à regresser depuis la naissance de ses chatons, il se promit alors de reprendre rapidement ses bonnes anciennes habitudes ; les petites chasses solitaires et collectives ne faisaient de mal à personne.

Un pigeon. Voilà ce qui venait de se mettre à sa merci ; un beau pigeon bien dodu qui allait rapidement regretter d’être venu se mettre sous le museau de ce très bon chasseur. Ni une, ni deux, sans trop réfléchir, le mâle roux bondit sans prévenir - peut-être un peu trop vite puisque l’oiseau le repéra et tenta de prendre son envol - et l’acheva d’un coup de patte bien senti. La deuxième proie de la matinée, et ce n’était pas prêt d’être terminé.

Esprit du Lion avait vu juste : cette chasse était bien loin d’être finie ; en effet, il s’agissait là de son jour de chance car une inconsciente petite musaraigne venait de faire son apparition dans son champ de vision alors qu’il n’avait fait que quelques pas après avoir enterré son pigeon et sa petite pie.
Enfin une proie terrestre tout de même, parce que les bons commençaient à lui faire quelque peu mal aux pattes. Fixé sur le petit rongeur, il avait presque hâte de sentir les os de son cou se craquer sous la force de ses crocs, puis le sang chaud couler le long de sa gorge. De nature calme, le lieutenant trépignait d’impatience. Aider son clan avait toujours été quelques choses de passionnant tout comme la chasse dans laquelle il excellait en règle général.
Alors voir une proie titiller son âme de prédateur le fit réagir aussitôt ; mais cette fois-ci, et ce, malgré son impatience, prit le temps de traquer correctement sa proie. Ses pas étaient doux et mesurés, chaque avancée était calculée et tout ce qui se trouvait autour de lui, il l’avait assimilé. Il ne lui fallut que quelque instants et le rongeur venait de dire au revoir à sa triste vie.
La satisfaction se lisait déjà dans les yeux du guerrier, si bien qu’il se mit aussitôt à humer l’air, à la recherche d’une nouvelle proie. Il était près du but.

Alors que le lieutenant continuait à s’enfoncer dans la forêt de son territoire, il se rendit bien vite compte que ses pas l’avaient menés non loin des rochers aux serpents ; un lieu dans lequel il se souvenait avoir prit son courage à deux pattes afin de sauver Douceur Aquatique d’une mort certaine. Et depuis, celle-ci avait disparue, sa soeur était devenue meneuse et ce moment ne subsistait que grâce à lui, le futur meneur du Clan du Tonnerre.
Cela lui faisait tellement bizarre de savoir qu’il était destiné à prendre la succession d’Étoile Azurée, quand bien même elle allait mourir. Oh, qu’il n’était pas prêt pour cette mort.
Refusant d’y penser davantage, il secoua la tête et replongea dans sa traque mais se stoppa net l’instant suivant.
Boom. Boom. Boom.
Les battements de son coeur retentissaient désormais bien trop fort dans sa poitrine et les pupilles infernales qui se tenaient devant lui lui firent réprimer un frisson. Il prit peur avant de se dire qu’il était temps de faire mordre la poussière à ces féroces reptiles. Un serpent, ça nourrira parfaitement bien le clan.

Les deux animaux se fixaient dans les yeux et même si Esprit du Lion n’était pas sûr de s’en sortir indemne, il était hors de question de le laisser s’enfuir. La rage qui émanait de son corps se lisait désormais dans ses yeux, une férocité atroce comme s’il souhaitait venger le départ de la féline alors qu’il n’y avait rien à venger. Le reptile n’eut même pas le temps d’ouvrir la gueule et montrer ses crocs luisants que le rouquin s’était jeté dessus et venait de le planter dans la nuque.
Une fois l’animal inerte dans sa gueule, le guerrier lâcha un soupir de soulagement. Il n’avait même pas un égratignure et autant dire qu’il était content.
Il fallait rentrer maintenant.

Sur le chemin du retour, chargé de ses proies, Esprit du Lion vit tout d’abord passer une petite souris qui s’arrêta net devant lui avant de déguerpir aussitôt. Le matou roux n’avait pas vraiment la force de chasser encore, le soleil était pratiquement assez haut dans le ciel, signe que la cérémonie du partage approchait à grands pas.
Peu de temps après, un petit geai vint se poser non loin de lui, près d’un arbre. Songeant que les proies avaient l’air plus abondantes que d’habitude aujourd’hui, il laissa tout de même le petit animal s’envoler dans les cieux sans rechigner. La présence d’autant de proies ne l’alerta pas tout de suite jusqu’à ce qu’une grive ne vienne se poser elle aussi non loin de lui, près d’un buisson. Le Clan des Étoiles lui envoyait-il un signe ? Il n’en était pas convaincu. Pourtant, il lâcha ses proies et au même moment, la grive fila.
Pensif, il commençait à jeter des coups d’oeil nerveux autour de lui et vit un campagnol quitter sa cachette. Lui, il n’allait pas le laisser filer, hors de question. Trop de bonnes proies pour nourrir son clan.

** Le lieutenant du Clan du Tonnerre finit par rentrer au camp encombré de nombreuses proies qu’il peinait à ramener. Félicité par certains de ses camarades, il fila aussitôt voir Pétale d’Asphodèle : il avait des plantes pour lui.