C'est une nuit chaude, haut dans le ciel brille un quart de lune qui dans quelques heures sera remplacé par un soleil brillant d'un éclat encore plus fort. Ainsi il pourra éclairer le camp de l'ombre, et une journée similaire à celle d'hier se produira c'est ainsi que ça marche. C'est une répétition qui certes change parfois, mais reste souvent identique... Un odeur douce et relaxante règne dans l'air, c'est si bon, si reposant. Au devant de moi, se trouve une jeune tige qui bientôt sera écrasée et piétinée par les pattes des autres apprentis qui dorment avec moi, c'est si triste et pourtant, ça m'est égale, bien sûr, je me fiche totalement d'un fleur, je suis un futur guerrier. Des mes pupilles je balaye petit à petit la clairière, assis devant ma tanière j'observe. Mes pupilles bleus virant au vert scintille à la vue d'une souris que la patrouille de nuit vient de rapporter, si fraîche, du sang perle au coin de ses lèvres, mais si appétissante. Histoire de ne pas me faire repérer je plonge tête la première dans l'antre ou loge les apprentis, au passage mes pattes frôlèrent quelques corps qui râlèrent mais je ne prêta pratiquement aucune attention à ça. J'avais faim, mon ventre avait de gargouiller. L'envie de dévorer à plein crocs la chaire tendre et certainement molle du rongeur au pelage blanc constellé de gris, c'était ça... J'avais envie de ça.

Le lendemain, après avoir passé une nuit légèrement écourtée par mes escapades pour observer les chasseurs, j'étais limite en train de dormir debout. L'air chaud et reposant de la veille n'était qu'aujourd'hui transformé en quelque chose de froid, de bruyant, je fais référence au vent, pénible. Oui, le vent n'est que pénible. Comme je l'avais prédit, le soleil était haut dans le ciel, c'était une journée comme les autres, mon mentor Etoile Lyrique n'aurait bientôt plus le temps du tout de s'occuper de moi comme avant, elle était si distante à présent, quand elle s'approche pour me parler, c'est pour me dire d'aller chasser ou de répondre à une corvée normale pour un chat de mon âge. A la fin ça devient pénible mais passons. J'avais un terrible mal de crâne qui n'était en parti que fictif mais bon, j'aime être dit comme malade ainsi je peux passer la journée à me reposer, seulement j'ai déjà fait le coup il y a deux ou trois jours, donc impossible de reproduire ça aujourd'hui.

L'absence de l'être aimé laisse derrière soi un lent poison qui s'appelle l'oubli.
Étoile Lyrique – Nuage du Ciel – Nuage des Limbes.

Quels moments étranges que je vis en ce moment. Je ne vois pas les jours, ni les semaines passer. J'ai l'impression que les journées sont toutes pareil, je mange, je m'occupe du camp, je mange, je m'occupe du camp, je mange, je dors et c'est reparti.
Je n'ai pas une seconde à moi pour réfléchir mise-à-part la nuit où, dès ma queue enroulée autour de mon corps, je plonge dans un sommeil profond et sans rêve jusqu'au matin. J'en viens à me détacher de tout. Je ne m'extasie pas devant le printemps qui arrive, je n'admire pas les chatons grandir, la nourriture est toujours pareille, peu importe ce que je mange. Je ne prend plus goût à grand chose, finalement il ne reste que la façade. Extérieurement j'essaye d'être souriante, agréable, posée et à l'éccoute des autres. Je me le répète et me le rerépète : suis-je faite pour cette tâche que le Clan des Étoiles m'a confié ? Que m'a-t-il pris de prendre Nuage du Ciel comme mentor ? J'ai remarqué qu'il essaye de se faire passer pour malade afin de flemmarder sur sa couche. Il se laisse allé. Il doit se sentir délaissé. Quelle mentor je fais, je me répugne moi même, quel degré d'égoïsme ai-je pu atteindre le jour où j'ai décidé de le prendre comme apprenti ?

Le soleil se lève lentement. La nuit, je ne rêve pas comme vous pouvez le constater, je me dévalorise et me demande ce que je fiche là. A chaque instant je me demande si quelqu'un ne va pas entrer et me dire « que fais-tu là, c'est la place du chef ici, pas la tienne, vermine. » J'en suis presque à espérer ce moment. Je me dégoute. Pour tout. Qui a conduit son Clan à sa perte ? Qui meurt de faim ? Qui à un camp détruit ? A cause de qui ? De moi. La réponse est là.
Pourtant, on vient encore me demander conseil pour ceci, pour cela . Je ne comprend pas, le monde tourne très probablement à l'envers, ce n'est pas possible.

Je remarque que près de moi, un rayon de soleil vient frapper la pierre en un dessin magnifique qui, je ne sais pour quelle raison, illumine mes pensées. Aujourd'hui je vais emener Nuage du Ciel chasser. Cela va renouer nos liens, je ne lui parle plus que par bouts de phrases ou alors en lui adressant des directives. Je suis pitoyable. Enfin, passons. Je me lève, comme chaque matin cela me demande un part de courage . Affronter les regards,....

Le soleil est rayonnant, je vois que Nuage du Ciel est sur la grande place. Je sens son regard posé sur moi, il doit probablement s'attendre à ce que je lui donne quelques directives. Contrairement à cela j'essaye de prendre une voie assuée et enjouée, comme avant. Avant, cela me semble bien loin.

« Bonjour Nuage du Ciel!Bien dormi ? Que dirais-tu d'une balade en forêt ensemble ? »

Quelques chatons autour de nous s'en vont vers leur mère, effrayée par le ton de ma voix. Allez savoir pourquoi.....

Je vais pour quitter le camp au moment où je vois, non loin de nous un apprenti qui me regarde, seul, à l'écart des autres.  Aujourd'hui c'est le jour où je vais faire, enfin, plaisir à des gens.

Je m'approche de lui et miaule :

« Veux-tu venir avec moi aujourd'hui ? »