Il fait nuit, presque trop nuit pour se promener.
La lune cachotière est partie se réfugier hors de portée, derrière quelques nuages paresseux. Un vent tiède balaye la forêt de Cerfblanc, de son souffle enjoleur il chasse les mauvais rêves, tel un ange gardien sans entrave et pouvu d'ailes. Les herbes dansent sur son passage comme des prêtresses rendant hommage à un dieu. Le dieu de la nuit qui comme tout dieu qui se respecte possède des qualités comme des défauts. Très rares sont les gens qui reconnaissent cette fatalité, car il leur faut croire que quelque chose peut être parfait sur cette terre maudite.
Illusions, simples illusions sont ces pensées rodeuses qui nous volent notre unique échappatoire à un espoir inutile. La mort est la mort, la vie est la vie, le malchanceux n'existe pas et le chanceux pas plus que lui. Il n'y a pas de privillégié, il y a juste des gagnants et des perdants. Ombre dans la nuit se glissant avec légèreté, un chat parcourt les bois en quête de réponses à ses questions. Pourquoi le feu brule ? Pourquoi la pluie tombe ? Pourquoi le vent souffle ? Pourquoi l'eau mouille ? Où s'en va donc ce soleil timide quand la lune jalouse lui vole sa place ? Trop curieux de naissance, ce chat a l'art de la simplicité dans tous les attraits de sa vie. Vie qui comme chacune devra un jour voir poindre sa fin, brutale ou douce, souhaitée ou non, de vielliesse ou de maladie. Son poil es aussi sombre que la nuit mais comme le proverbe le dit : la nuit tous les chats sont gris.
Alors le matou ni noir ni gris promène ses propos sans savoir où il se rend. Voici dix jours qu'il marche, profitant des pauses pour chanter à la lune et prier les étoiles. Ancien guerisseur il en connait le voile, ce voile si pale qui recouvre les étoiles. La lune est sa soeur et le soleil son ami, le vent est son protecteur et le feu son ennemi. Marcher, toujours marcher sans jamais se retourner, est-ce-donc ainsi que se déroule une vie ? N'existe-t-il donc aucun moyen d'abréger des souffrances dans une simple et quelquonque existance ? Tous ces couples qui l'entourent sont ils eux aussi illusions ou bien ce chat a-t-il juste le coeur trop lourd ? La vie est la vie, la mort est la mort, mais qu'est-ce-que l'amour ? Un sentiment ? Une chimère ? Honnêtement il n'en sait rien et sans le savoir, il désespère. Voici le doux toument qui entrave son coeur, lui faisant connaitre de multiples douleurs.
Un jour, il n'en restera que des restes, voici la dure histoire du matou nommé Vent d'Est.
Il ère tel un fantôme cherchant le sens de la vie, remontant les rivières en quête de leur source, traversant les bois comme un âme ésseulée, ne comprenant décidément plus rien au monde où il vit. Repoussé par son clan, lui le guerisseur qui n'avait rien fait de mal, juste pour n'avoir pas su sauver son chef, il fut à son idée trop sévèrement puni. La culpabilité se battait avec la peine, cherchant à savoir qui serait le vainqueur, qui le pousserait à sa vie mettre un terme, celui qui d'un coup de griffe le pousserait vers sa fin. Il cherche, il cherche mais jamais il ne trouve, et dans son coeur se persiste le match nul. Peut être lui faudrait il trouver un arbitre. La raison ? La peur ? La passion ou l'honneur ?
Tout ceci forme un tout et ce tout est un leurre, il serait aussi facile d'essayer d'attraper du beurre. Glissante est grasse est la voie de la sagesse qui d'être libérée, elle s'empresse. Il est temps pour elle de quitter ces rivages, aller taquiner d'autres coeurs plus sauvages. Ainsi Vent d'Est continue son ascenssion, tentant d'oublier toutes ces questions, il se dirige tout droit vers des terres interdites, des terres dangereuses, des terres maudites. Voici le territoire de la meute de chien, mais à l'odeur, on dirait qu'ils sont loin. Pourquoi ne pas s'installer ici et ne plus rien penser ? Certes ceci est un beau rêve, mais impossible à réaliser.
Alors il se couche et s'endort en silence, espérant qu'un jour, il comprendra le mot " romance ".