Je grommelais dans mon coin, jetant des regards en coin aux félins solitaires qui partaient à la chasse. Maudits jeunes. Sous prétexte que machin ne voulait pas pêcher avec truc, la patrouille se disloquait et tout le monde pêchait seul, ou à deux. Faisant parti de cette patrouille de pêche, en tant que vétéran, j'avais été déçu de cette nouvelle. Peut être que j'avais été fougueux moi aussi, défendant mes convictions de ne pas patrouiller ou pêcher avec intel, mais avec l'âge, je suis surtout devenu raisonnable.

Et c'est pour cela qu'au lieu d'agir comme un apprenti boudeur ou un ancien gâteux, je me levais de mon emplacement, à l'ombre d'un saule, afin d'aller pêcher. Les poissons n'allaient pas frétiller sur le tas de gibier tout seul. Et je n'avais nullement envie d'attraper du gibier à poil, pas tant qu'il n'y aura plus de gibier à écaille.

Pour être tranquille, sachant que tout le monde se postait à différent endroit de notre chère rivière, je partis au lac de la lune, ça me rappelait mon territoire natal. J'aurai sûrement la paix là bas, j'avais besoin de me calmer.

Je foulais l'herbe douce jusqu'au rebord, visqueux, où mes pattes s'enfonçaient. J'avais déjà connaissance de mon petit endroit de pêche. Et hop, un petit saut sur cet bout de terre émergé, puis un autre sur ce rocher, et enfin un autre sur une pierre plus ou moins plate. J'avais fait aucune éclaboussure, un tracé parfait. Ce constat me fit ronronner tout en préparant ma patte, griffes sorties, à l'assaut. Je visais le gros, une belle carpe ou même un bar.

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'Chasse - T. RIVIÈRE' :

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'Chasse ' :

Néanmoins, le sort ne fut pas tendre à mon égard. Je suis un pêcheur, et qui vient me narguer dans ma concentration, mon attention, ma patience, que je travaille depuis des lunes et des lunes ? Un oiseau, un stupide gibier à plume. Bon, je préférais déjà plus les oiseaux aux souris. Mais pas quand je chassais le poisson !

Non loin de la berge, il y avait quelques saules qui, en grandissant, étendaient leurs racines noueuses dans le lac, afin d'étancher leur soif. Sur une de ces racines s'était posé un merle, ses ailes lustrées brillant d'un éclat noir bleuté sous le soleil. Et il commença à chanter.

Au début, je gardais mon calme, essayant de ne pas prêter attention. Après tout, il y avait des oiseaux partout, et l'on entendait leur chant au loin, comme une douce musique d'ambiance. Mais je n'étais pas calme du tout, j'essayais justement de me calmer. Le merle ruina toutes mes chances.

Bon, si je n'arrivais pas à pêcher, autant essayer de l'attraper, quelqu'un en voudra sûrement ce soir. Me retournant, j'estimais la distance qui me séparait de ma proie. Trop loin, il fallait encore que je saute sur le rocher pour espérer être à portée de patte de l'oiseau. J'essayais quand même. Prenant appui sur mes pattes arrières, je sautais vers le gros rocher. Le merle cessa de chanter. Sans réfléchir, je me précipitais vers le saule, pattes tendues. Mais c'était déjà trop tard, il s'était envolé, ne laissant que quelques plumes dans son sillage. Néanmoins, il s'était envolé vers la terre, et non vers le lac. Erreur fatal, car je pouvais le traquer.

Il alla se réfugier sur un buisson. Roulant des épaules, j'essayais le plus possible de dissimuler mon pelage roux. Encore quelques pas, et un bond. Le volatile essaya une nouvelle fois de s'envoler, mais j'avais bien préparer mon approche. Ma nuque entre ses crocs et tout était terminé. Je reposais ma proie, essoufflé. Ce n'était pas vraiment ce que j'avais voulu attraper, mais c'était bien quand même. J'espérais que personne ne me regarderait avec des yeux ronds, en me traitant de « chat de la forêt ». A cette idée, je repartis vers mon endroit de chasse. Je creusais un trou sous le saule, afin d'y dissimuler mon oiseau, puis je repartis à la pêche, à la carpe peut être ?

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#1 'Chasse - T. RIVIÈRE' :


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#2 'Chasse ' :

Ma prédiction fut juste. Là, au fond de l'eau, je vis une grosse masse sombre s'agiter. Sûrement une carpe, je m'en couperai les moustaches ! Restant concentré malgré mon cœur qui battait la chamade, je contractais ma patte, prêt à passer à l'assaut.

Encore un peu, elle se rapprochait. Là, elle se trouvait assez proche de mon rocher. Elle s'était approchée sans problème, elle ne se doutait pas que j'étais là. D'un mouvement vif de la patte, je sortis le poisson de l'eau. Il fut propulsé en l'air tandis que j'avançais mon museau pour le saisir à pleine gueule.

Mauvais calcul. La carpe se tortillait dans l'air, paniquée. Elle m'asséna un coup de queue au museau qui me surpris, avant de retomber dans l'eau avec un splash retentissant. La gueule ouverte, je vis ma proie disparaître, ainsi que tout être vivant dans l'eau à 2 longueurs de queue à la ronde. Sans retenue, je donnais un coup de queue rageur dans l'eau. Décidément, ce n'était pas ma journée du tout ! Autant ne plus chasser pour aujourd'hui.

Dégoûté, je retournais vers la berge, quand, du coin de l'oeil, je vis une forme sombre familière dans l'eau. La carpe était venue se réfugier dans la saillie entre ces deux rochers. Elle finira forcément par en sortir suffisamment pour que je puisse tenter à nouveau de l'attraper entre mes crocs pointus. Prêt à attendre de nouveau, je m'arrêtais et me positionnait convenablement afin de pouvoir lancer ma patte dans l'eau.

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#1 'Chasse - T. RIVIÈRE' :


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#2 'Chasse ' :

Finalement, le poisson ne se décidait pas à sortir. Tête basse, je reposais ma patte sur la pierre, pensif. Ce n'était vraiment pas ma journée. Rentrons au camp. J'aurai la honte, avec mon merle, mais j'avais essayé. Je ne voyais vraiment pas ce que je pourrai faire de plus.

Retournant sur la berge, j'humais l'air et j'observais les environs afin de retrouver ma cachette. Soudain, au détour d'un buisson, je tombais truffe à bec avec une poule d'eau. Le sang me battait aux tempes et aux oreilles. Je fis un premier saut pour lui retomber dessus mais, trop lent, elle put s'échapper. Je la coursais sur quelques longueurs de queue, avant de renoncer, faute de motivation. J'avais déjà abandonné la chasse. Je n'avais aucune chance sur cette poule d'eau.

Taciturne, je repris mon merle dans ma gueule, et tête basse, yeux réduis à deux fentes, je m'en allais d'un pas lourd vers les fourrés.

[Fin pour ce mois ci]