“ Le meilleur conter est celui avec un public candide „

Ft.Esprit des Collines
¶ Verse I – The Opening

La chaleur s'écrasait lourdement sur les terres de Cerf Blanc. L'air devenait de plus en plus irrespirable, et les pensées fondaient en même temps que l'énergie de ces félins.
Cela s'appliquait aussi sur le jeune chaton, qui avait passé la nuit à tenter de trouver un peu de fraîcheur pour apaiser son insomnie. Malheureusement pour lui, le matin arriva bien trop vite, et Morphée  n'eut pas le temps de l'emporter.
Sa mère dormait encore, formant de son pelage un cocon de réconfort et de protection. Mais le plus petit s'en extirpa dans de mouvements silencieux. Il étouffait, et son manque de sommeil le rendait plus apte à fuir ces lieux qui, bien vite, deviendront bruyants et agités.
Limbes n'était pas de nature aventureuse, et sortait rarement de la pouponnière. Voir jamais. Mais c'était un cas exceptionnel cette fois ci. S'il continuait de baignait dans cette chaleur dévorante, son petit corps n'allait pas tenir.

Une fois hors de l'entre des jeunes âmes, son regard balaya le camp. Les félins commençaient un à un s'éveiller, offrant un peu de tranquillité. Et surtout, une opportunité pour le chaton.
S'éclipser. C'était un grand mot bien effrayant. Bien que le jeune mâle avait une notion assez étrange de la peur, il n'aimait pas se brusquer. Et pourtant, c'est ce qu'il était en train de faire. D'une démarche calme, la petite boule de pelage blanche s'évanouit dans les feuillages.
Étrangement, sortit du camp pour lui n'était pas une tâche complexe. Personne ne s'attendait de lui à ce qu'il agisse ainsi à vrai dire, alors les regards parentales étaient rarement rivés sur lui.
L'empathie n'était pas son fort, c'est pourquoi Patte des Limbes n'éprouva aucun remords en trahissant la confiance qu'on lui accordait. De plus, il ne comptait pas se faire attraper dans sa petite excursion. Il attirait rarement l'attention, disparaître n'était donc pas un problème pour lui.

Le paysage se découpait lentement devant lui, offrant à ses yeux laiteux une nouvelle vision et une nouvelle source d'inspiration. L'air était emplit de nouvelles flagrances, qui empourpraient ses pensées d'impatience. Sa marche fut plus rapide, ses pattes frôlaient le sol dans de petits frémissements timides. Il avait entendu nombreux contes et légendes, mais aussi beaucoup de racontars sur les terres, c'est comme ça qu'il avait su pour ce lieu où le vent semblait hurler sa colère envers la terre. Si la chaleur était meurtrière, la brise, elle, était d'une pureté juvénile qui faisait trembler d'envie le chaton.
Les arbres dessinaient sur le sol des  formes sombres, protégeant les rayons brûlants de ravager les plantes naissantes, et au passage, les oreilles du petit albinos.  Il fendait la forêt en deux de son désire de fraîcheur, et termina sa quête à la dite source de consolation ; la griffe de pierre. Ô sommet  imposant, dominé par les courants venteux qui percutaient son flanc.

Le chaton leva le museau, impressionné par cette dégustation visuel. Mais sa gourmandise s'arrêta là, une silhouette inconnue se découpait discrètement dans l'ombre de ce monstre de roches. Le jeune chat se figea. Cette odeur... âcre, différente, comme recouverte de poussière et piquante le frappa de plein fouet.
Il devrait faire marche arrière, fuir, s'en aller d'ici ; après tout, il était à la frontière, au point de non retour, et bien trop loin. Mais il n'en fit rien. Limbes reprit sa marche, ses moustaches frémissantes autour de sa gueule à moitié ouverte.
C'était une femelle ennemie. Et il s'invita à partager son savoirs.
L'albinos vint alors se poster silencieusement devant l'inconnue, et riva son regard bleu ombragé par son absence de mélanine sur la féline.

Il ne disait rien. Il fixait. Attendait. Observait. Et si le danger venait lui hurler dessus, il s'éclipsera, comme il sait si bien le faire.

LE MEILLEUR CONTEUR EST CELUI AVEC UN PUBLIC CANDIDE
FT. Esprit des Collines

Les deux regards se mélangeaient dans une valse silencieuse.
Puis au bout d'un moment, après un examen personnel de chacun, la guerrière prit la parole. D'une voix qui se voulait sûrement d'une douceur sans égal, du miel cachant le poison. Mes ses pansées n’atteignirent pas le chaton, qui d'un hochement de tête, s'approcha. Le jeune mâle lui lança un petit regard, puis se posa aux côtés de la femelle, ramenant ses pattes sous son ventre.

«  … »
Patte des Limbes pouvait sentir la douce brise divine chasser un peu la chaleur qui s'accrochait fermement à son pelage. Et son esprit s'envola avec elle. Les yeux mis clos, il en avait presque oublié la présence de la guerrière.
Ceci dit, répondre était sûrement une bonne idée. Il était déjà bien loin de son clan, et elle savait sûrement son grade infantile au sein du clan de l'ombre.

«  Merci. Vous êtes une guerrière du clan du vent ? »
D'un petit mouvement d'oreille interrogatif, il braqua son regard sur elle. C'était aussi un petit test, pour savoir si cette femelle était du genre à répondre ou à donner des coups de pattes. Il préférait la première option pour être tout à fait franc.
Si elle était bien d'un clan adverse, il pourrait lui poser plusieurs questions intéressantes. Et cette idée le ravis d'avance. De plus, l'air était respirable ici, et ce sentiment d'étouffement l'avait quitté un peu plus tôt.
Quitter le camp n'était au final, peut-être pas une si mauvaise idée que ça. Bien sûr, Limbes n'allait sûrement pas se retenter à le faire, mais cette matinée était plaisante.

Ses moustaches frémissaient. Les odeurs rendaient ses pensées légèrement confuses, mais il s'en satisfaisait. Se savoir dans de nouvelles terres lui donnait envie de tout découvrir. Ce qui était une idée bien stupide, qu'il étouffa rapidement au fond de sa poitrine.
Bon sang, l'air nouveau lui donnait des ailes, ça ne lui ressemblait pas.

LE MEILLEUR CONTEUR EST CELUI AVEC UN PUBLIC CANDIDE
FT. Esprit des Collines

La guerrière valida ses questionnements. Elle était donc bien du clan opposé. Un frisson d'excitation courra le long de son échine, faisant frémir ses oreilles. Il voyait là une occasion incroyable d'en savoir plus sur ce clan.
Au camp, quand on est trop curieux sur l'ennemie, ce n'est jamais bon. Mais là, aucun regard n'était posé sur lui. Aucun jugement ni feulement irrité. Juste lui, et l'étranger. L'inconnu. La nouveauté. Patte des Limbes posa sa gueule sur ses pattes avants, faisant valser lentement sa queue de droite à gauche. Du coin de l’œil il pouvait observer la féline, et voir ses pensées voler tout autour d'elle. « En effet. Je vais bientôt devenir apprenti. »

S'il avait hâte ? Il l'ignorait pour être franc. Bien sûr, c'était un grand pas dans sa vie, et il prenait tout ça au sérieux. Cependant, le petit albinos avait peur de ne pas être à la hauteur. D'être trop rivé sur le pourquoi du comment que sur le agis sans réfléchir. Il n'avait pas cette soif violente de devenir le plus puissant, ni celle de gouverner les autres. Au contraire.
Limbes était le valet. Celui qui suit les ordres, et réfléchit aux conséquences avant d'exécuter. Pas le soldat qui offre son âme et ses pensées à son roi. Ni le prince fiévreux d'or et de gloire. Était ce vraiment une bonne chose ? Lui même l'ignorait.
Si le clan lui demande d'écraser tout ça chez lui, de changer, il le fera. Son amertume et son regret sera aussi profond que l'océan, mais il le fera.

C'est en parti pourquoi il n'avait pas hâte.
Le jeune matou s'était perdu dans le coin de son cerveau tourmenté, et il se reprit bien vite dans un petit sursaut nerveux.
« Comment s'est passé votre apprentissage à vous ? »

L'albinos lui adressa un regard. Peut être avait elle eut le même problème que lui ? Cette peur au ventre de n'être vu par ses camarades que comme un faible ? Au fond de lui, dans un égoïsme malsain, il l'espérait.

« En effet. Je vais bientôt devenir apprenti. »

Elle avait donc vu juste, même si ce n'était pas très compliqué de le deviner, vu la carrure du félin; dans un mouvement, le chaton ombreux posa sa tête sur ses pattes avant en douceur pendant que sa queue valsait doucement de gauche à droite. Il semblait perdu profondément dans ses pensées alors que son regard glissait de temps en temps vers la guerrière, vague. Quelques secondes, minutes peut-être passèrent avant qu'il ne se reprenne dans un sursaut, émergeant brusquement dans la réalité et réalisant où il était. Cela amusait presque Esprit des Collines ; elle se demandait comment ferait un guerrier s'il avait ce genre de problème au beau milieu d'un combat ou de la chasse.

« Comment s'est passé votre apprentissage, à vous ? » questionna-t-il.

La féline venteuse réfléchit silencieusement. Avait-elle besoin de tout parler ? Du décès de sa sœur,
lors de son apprentissage, qui l'avait motivée à être plus forte, plus courageuse ? Elle n'avait pas envie de déprimer un chaton qui posait une question innocente. Et puis, le souvenir de sa sœur était douloureux, mais le centre de sa vie en tant qu'apprentie.

Elle soupira, ne sachant pas vraiment quels détails dévoiler, ni comment commencer son histoire, mais elle se lança au bout de quelques secondes, les moustaches frémissantes et les yeux mi-clos.

« Il n'est pas vraiment joyeux, mais on peut dire qu'il s'est bien passé. J'avais un excellent mentor qui m'a permit de repousser mes limites et de m'aider à devenir une bonne guerrière. Ce n'est pas ma force physique qui m'a aidée ; comme tu peux le voir, je ne suis pas très impressionnante, ma carrure est fine et je suis douée grâce à ma souplesse, mais ma force morale, mes motivations sont ce qui m'a aidée. Je savais pourquoi je voulais devenir meilleure. Il faut avoir quelque chose de motivant, sinon, on n'a aucune envie d'être fort. »

► Le jeune matou se tourna alors à demi vers elle, et l'observa  tandis que la guerrière commença son dialogue. Ce qui attira tout de suite son attention. La venteuse semblait.. plus pessimiste que les autres félins qu'il avait l'habitude de rencontrer. Ce dialogue sortait des standards. En soit, c'était un peu rassurant. Le jeune albinos se surprit même à avoir esquissé un faible sourire, futile et rapide.
« — Je vois. Cela est trop indiscret si .. je vous demandai vos motivations, à vous ? »

Le chaton lui coula un regard furtif. De base, c'était indiscret. Il discutait tranquillement de mondanités avec l'ennemie. Il serait sûrement vu comme une honte pour son clan, comme un comportement déviant. Mais la chaleur assommait ses a priori, et toute énergie. Puis de toute façon, qui était il ? Ce n'était même pas un apprenti.
Intérieurement, il se disait qu'il faisait un bien mauvais Ombreux.

Pour être honnête, son corps commençait à s'alourdir. Il faisait si bon, c'était agréable. Il avait l'impression de revivre à nouveau. Le seul bruit qui atteignait ses oreilles étaient le frissonnements des feuilles agitées par le vent, et c'était fort appréciable.