Nuage Sauvage n'avait jamais dormi d'un sommeil aussi lourd et aussi réparateur. Elle ne sentait pas de poids sur ses frêles épaules d'apprentie – bien qu'au derrière cela, elle soit plutôt musclée -, le poids qui lui incitait à se préparer mentalement auprès de son mentor pour l'entraînement du lendemain. Elle avait sentit le sommeil lui venant très tôt la veille, bâillant déjà alors que le crépuscule prenait tout juste la place du ciel parsemé de quelques nuages blancs qui avait régné tout l'après-midi.

La féline fut néanmoins réveillée le matin même avant les premières lueurs de l'aube. Tandis qu'elle tentait désespérément de se rendormir, elle vit l'ombre d'un guerrier filer vers l'entrée du camp avant de s'engouffrer vers le territoire. La petite soupira et, dans un mouvement empli de désespoir, elle se leva. Elle n'en avait aucune envie mais une chose était certaine : le sommeil ne reviendrait pas de sitôt. D'abord, elle progressa précautionneusement entre ses camarades, n'ayant aucune envie d'écraser quoi que ce soit : une tête, une queue, une patte ou bien le flanc de quelqu'un. Subir les remontrances d'un novice fatigué et grognon, elle s'en passerait bien.

Mais la chance n'avait pas tellement l'air de lui sourire. Alors qu'elle avançait sans mal, prenant peu à peu de l'assurance dans chacun de ses pas, elle eut la maladresse de déposer sa patte sur le museau d'un apprenti prétentieux et un peu trop fier à son goût. Elle pesta à cet instant, comprenant qu'elle aurait affaire avec le dernier être qu'elle aurait voulu côtoyer aujourd'hui – voir même toute sa vie au passage.
Respirant calmement, elle attendit une remarque désagréable qui ne vint pas. Au lieu de ça, le chat la fixa longuement de ses yeux déstabilisants avant de reposer sa tête sur le sol et de se rendormir. Concrètement, la demoiselle ne s'attendait pas à cela de sa part, mais elle en fut plutôt heureuse.

Lorsqu'elle quitta enfin l'antre des apprentis, elle se mit sur la piste du guerrier qui avait quitté le camp, quelques temps plus tôt. Elle passa d'abord près du garde, à l'entrée. Afin de l'amadouer, elle lui annonça qu'elle rejoignait un guerrier directement sur le territoire et qu'elle serait prudente – ce qu'elle disait n'était pas faux, mais de là à être certaine quant à sa protection, c'était une autre affaire. Le garde, clément, la laissa quitter le camp sans encombre.

De là, elle reprit la piste du guerrier du clan de la rivière dont l'effluve semblait venir de la plage. Elle voulu filer à toute allure jusqu'à cet endroit, mais se ravisa, se laissant le temps d'y parvenir. Et enfin, lorsqu'elle eut atteint ce lieu, Morsure de Froid y était, de dos, en pleine pêche. Afin de ne pas le perturbé, elle ne bougea pas d'un poil jusqu'à ce qu'il rate sa proie. C'est alors qu'elle quitta les fourrées dans lesquels elle avait prit place, le rejoignant.

— Bonjour ! Déjà réveillée ? Je crois que je manque de sommeil.

Il riait. Et cela la faisait rire aussi, à vrai dire. Il fallait avouer qu'il n'avait pas une super mine – elle devait sûrement être dans le même état que lui avec cet réveil primitif. Elle vint se poster près de lui, puisqu'il l'avait invité d'une certaine façon en lui adressant si amicalement la parole. Le sourire fermement accroché aux babines, elle accepta et sans plus attendre, s'approcha de l'eau, prudemment.

— Bonjour ! Oui, je ne sais même pas ce qui a bien pu me réveiller, mais qu'importe, maintenant que je suis debout ! Je dois dire que je manque aussi de sommeil mais si on pêche à deux, on finira peut-être par ramener quelque chose au camp, non ?

Levant sa patte en position de pêcheuse, la tricolore regardait attentivement l'eau scintillante jusqu'à ce que le reflet d'une carpe ne vienne troubler l'eau limpide ; se préparant psychologiquement, d'un geste vif, elle envoya sa patte ainsi que son mentor le lui avait apprit, malheureusement un peu trop tard. Elle soupira, mais se souvenant que le guerrier à ses côtés n'avait pas fait mieux et qu'elle était sous l'effet de la fatigue, le sourire lui revint aussitôt jusqu'au museau.

— J'aurai peut-être plus de chance à la prochaine. Alors, qui sera le premier à sortir deux poissons de l'eau ?

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Il était rare pour Nuage Sauvage de pouvoir profiter d’une bonne nuit de sommeil ces derniers temps. Nuage Argenté, Nuage de la Panthère, Petite Onde, Totem du Faucon, Petit Rossignol, Prince des Tigres. Tous ces chats perturbaient ses nuits à en faire de sombres cauchemars qu’on avait sûrement aucune envie de revivre. Et pourtant, dernièrement, le même se répétait de plus en plus souvent. Mais ici, en présence du guerrier dont elle oubliait qu’il était le mentor de son ancien meilleur ami, elle se sentait sereine, et ne voyait pas pourquoi s’énerver. Son mentor parvenait sans mal à la canaliser, la faisant entendre raison après les disputes qui avaient eu lieu. Il était la voix de la sagesse qui atténuait sa haine. Il était l’un des rares chats qu’elle respectait plus tout, malgré ses écarts. Celui qui savait comment la calmer. Il était étrange, mais il était bien le seul à lui être d’une véritable aide.
Il lui avait apprit à ne pas être déçu de ses erreurs mais d’y voir une offrande du Clan des Étoiles qui lui permettait d’apprendre de ses fautes afin de mieux les réparer. C’est pourquoi ce soir, la petite ne s’était pas énervée parce qu’elle n’avait pas réussi comme elle l’aurait fait auparavant.

« Ce sera moi ! » s’écria Morsure du Froid, tirant la demoiselle de ses pensées. Celle-ci le regarda faire, recommençant à prendre la position du pêcheur. Mais un mouvement attira l’attention des deux chats et, par respect et logique, elle le laissa s’emparer de la jolie poule d’eau qui s’aventurait non loin de là. Malheureusement, le guerrier rata son coup ce qui pouvait être prit bien comme mal. D’un côté, cela laissait une nouvelle chance à la femelle de le battre, mais de l’autre, ils se rendaient compte tous les deux qu’à ce rythme là, ils passeraient la nuit entière dehors ! « On dirait que nous sommes à égalité pour l'instant. » dit-il. Nuage Sauvage acquiesça. Elle espérait parvenir à ramener une proie au camp, tout de même !

Là, une seconde poule d’eau venait de faire son apparition. Se ramassant sur elle-même, la demoiselle s’en approcha silencieusement et fit un bonde simple sans peu d’impulsion, glissant sur les galets de la rive. Elle retomba alors à plat ventre sans se faire trop mal, mais l’une de ses pattes avant réveilla une ancienne douleur à laquelle elle ne prêta aucune attention. Elle se retourna vers le guerrier en rigolant de sa gamelle. « Décidément, on y arrivera jamais ! » dit-il, frémissant des moustaches, amusée.

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