La façon qu'avait ce chat de la regarder ne lui était pas du tout inconnue : tous les mâles, pris ou libres, la dévisageaient ainsi. Sa démarche aguicheuse et son visage attractif y étaient pour quelque chose. Mais celui-ci, elle n'en voulait pas. Il semblait trop... étrange. En plus, ce n'était pas avec admiration mais avec avidité qu'il l'admirait, comme s'il allait en faire son repas. Mal à l'aise, Douces Simagrées s'apprêtait à renvoyer ce gros balourd chez lui quand il pris la parole, aimable.

« Je vous ai empêché d'attraper un beau festin, soyez en rassurée, je vais vous trouver quelque chose à vous mettre sous la dent... Je ne voudrais pas que votre joli minois soit triste... »

Non mais, il lui en manque une dans le haricot à celui-là ! railla intérieurement la femelle couleur de feu. Non seulement il avait totalement ignoré ses avertissements, mais le voilà qui, en plus, descendait de son perchoir pour aller chasser quelque chose. Il revint nonchalant avec un mulot dans la gueule, le déposant aux pattes de la femelle. Elle fulminait intérieurement : d'habitude si calme, elle faisait perdre leurs moyens aux autres : mais ce chat-là dépassait les bornes ! Loyale an son Clan, elle ne devrait même pas lui parler.

« Vous êtes superbe, j'ai rarement vu aussi beau trésor de mon existence, même courte fut-elle... »

Ensuite, il posa sur elle un regard perverti par l'avidité. Il avait envie de lui sauter dessus, ça sautait aux yeux ! Mais pour qui se prenait-il ? N'avait-il pas un minimum de loyauté pour sa piètre tribu ? Pour son... Alpha, comme ils l'appellent ? Elle prit le mulot et, tournant le dos au chat, alla l'enterrer sous l'arbre un peu plus loin. Elle déclara, pleine de haine dans la voix :

« Je le garde uniquement parce que je veux pas que tu manges une proie que tu as chassée sur mon territoire. Je la ramènerais en faisant croire que c'est la mienne. T'es vraiment con. Je m'en fous de tes considérations, de tes vouvoiements et de tes compliments. Je suis belle pour tout le monde, j'ai du choix, et t'es même pas sur ma liste d'attente. »

Sans plus attendre, elle lança un dernier regard dédaigneux à son interlocuteur avant de tourner les talons, de frotter des pattes arrières sur le sol comme elle l'aurait fait dans une litière de Bipèdes, et prendre le chemin du retour en laissant le mulot en terre. Pourtant, elle était certaine au fond d'elle que le chat la rattraperait, insistant.
 

Malgré toutes les mauvaises choses que Douces Simagrées lui avait jeté à la figure, le noiraud ne releva même pas. Quelqu'un de normal se serait offensé, aurait engagé un combat, elle aurait défendu son territoire et ça se serait arrêté là. Mais ce chat là, ce n'était même plus au stade de l'arrogance, mais bien à celui de la folie pure et simple : il rodait sur un territoire comme si c'était quelque chose de normal, comme s'il n'y avait pas à s'inquiéter. Mais elle, la loyale guerrière du Clan du Tonnerre, elle le chasserait bien assez vite, et cela même si elle se devait d'user de ses innombrables charmes pour y parvenir ! Et si on les voyait ensembles, que penserait-on ?

Alors qu'elle faisait chemin inverse, comme elle le pensait le matou la suivit. D'abord derrière elle, il commença à entonner une chanson qu'elle ne connaissait pas. Les paroles étaient d'un glauque énorme, exactement à l'image qu'elle se faisait du cinglé. Il s'interrompit quelques instants pour s'adresser à la femelle, joyeux.

« Dis-moi belle inconnue, c'est quoi ton p'tit nom ? Je suis sûr qu'il est aussi joli que toi. Enfin, sauf si tu t'appelles Fleur ou un machin du genre, là, ce serait carrément foireux... »

Sim éclata d'un rire rauque, cynique. Il lui courait sur les nerfs, celui-là ! Elle savait qu'elle n'était pas la pro du sang-froid, mais tout de même, il fallait réussir à l'énerver ! Comment osait-il lui demander une information si importante de façon si anodine ? Ne se rendait-il pas compte qu'ils avaient presque vingt lunes d'écart !? Ce mâle ne manquait vraiment pas d'air. D'habitude, cela aurait attiré la rouquine dans ses grand jeux et ses douces simagrées - d'où son nom. Mais là, ce chat ne lui allait pas du tout. Il avait juste l'air... débile.

« Dommage que tu fasses partie de ce Clan machin... Mais ça fait rien, je peux faire une concession sur ce coup-là. »

Il l'avait rattrapée sur ces mots. Sur son visage nuit, toujours le même sourire niais, celui d'un chat qui n'avait aucune manière et un regard totalement pervers. Sim arrivait à se sentir mal à l'aise avec un mâle, elle ne l'aurait jamais pensé auparavant ! Mais auprès de lui, elle se sentait comme du bétail, quelque chose qu'il croquerait et abandonnerait, la carcasse à demi entamée. Comment avait-il appelé sa tribu ? Un « machin »..? La loyauté sans failles de Sim fut piquée à vif. Il devrait être envieux de son style de vie, il devrait le respecter ! Pourquoi le traitait-il comme si c'était un vieille souris entamée ? Et pourquoi diable continuait-il à la suivre de la sorte, ce fou !?

Sans plus attendre, elle sauta sur un tronc et, à une vitesse déconcertante, grimpa au plus haut du chêne sur lequel elle avait jeté son dévolu. En voilà une, une des raisons pour lesquelles vivre en Clan est quelque chose d'exceptionnel. Ses capacités à grimper aux arbres étaient inégalable pour quelqu'un d'autre que le Clan du Tonnerre. Les chats de la Rivière savaient nager, ceux du Vent étaient très doués à la chasse aux lapins et les Ombreux étaient presque imbattables au corps à corps. Quant à eux, ils pouvaient grimper aux arbres, si habitués à ceux de la forêt. Mais tout le monde peut le faire, me direz-vous : certainement, mais pas avec autant d'aisance que les Tonnerreux. Eux seuls étaient aussi à l'aise, avaient autant de facilité !

Mais pour en revenir à la situation, la belle se percha en quelques secondes à peine sur la plus haute branche du chêne imposant. Ainsi, pourrait-elle peut-être échapper à son assaillant. En vérité, elle y plongeait beaucoup d'espoir : le matou, certainement impatient, se lasserait de miauler à ses racines alors que la chieuse le regarderait en souriant avec haine. Enfin, ce serait ce qu'une personne normale ferait... Mais est-il normal, ce gros débile ?

Être là-haut dans son arbre la rassurait un peu. Ce chat ne pourrait pas l'atteindre, à moins de tenter d'y grimper et, vu ses maigres compétences en la matière il prendrait du temps, bien assez pour que Sim puisse descendre et s'enfuir avant même qu'il ne soit à la moitié du tronc d'arbre.

Le regardant de haut - littéralement -, la chieuse souriait avec arrogance. Tout d'abord, le noir l'avait admirée avec ses deux grands yeux verts, avec autant d'avidité et de perversité que précedemment. Il devait être impressionné, et il y avait de quoi. La prétention de la chatte était à son maximum, si bien qu'elle tomba de haut - pas littéralement, cette fois-ci - en découvrant que le Hordeux changeait de comportement. Quelques secondes plus tôt il était tout sourire, et désormais le voilà qui gaulait, hurlait et tournait autour de l'arbre comme un taré, comme si Douces Simagrées était sa proie. Prise de panique, elle coucha les oreilles en arrière et son échine se hérissa. Mais c'est qu'il est bipolaire ce con ! s'excita t-elle intérieurement.

Et tout d'un coup, comme si de rien n'était, le matou se calma, et son visage se fendit de son grand sourire inquiétant habituel, et une lueur désolée apparut dans ses yeux. La rouquine pensait à descendre de son arbre et s'enfuir en vitesse, mais elle était bien au dessus de ça. Personne ne l'intimidait, elle, Douces Simagrées ! Pour qui il se prenait, ce fou stalker ?

« Excuse-moi... Je ne voulais en aucun cas t’effrayer ma douce... Mais je n'aime pas que les événements m'échappent aussi facilement... »

Comme si c'était une excuse, connard railla t-elle intérieurement. Non pas que la guerrière soit du genre à cacher ce qu'elle avait à dire, mais elle sentait que le grand chat n'avait pas fini.

« Surtout quand l'objet de ma convoitise s'entête à me filer entre les pattes... Mais soit, les plus beaux trésors sont les plus difficiles à obtenir... Je ne compte pas te faire le moindre mal. »

Attendez... avait-elle bien entendu ? Ce chat venait-il bien de la qualifier... d'objet ? C'en était trop pour elle. Ce félin était fou à lier, rien n'était moins sûr ! Elle ne voulait pas passer une seconde de plus avec lui. Sans plus attendre, la belle prit son élan et, même du plus haut de sa branche, déplia ses fines pattes pour atterir exactement là où elle voulait : sur le taré lui-même. La hauteur et la gravité avaient rendu le choc violent, mais Sim n'était en aucun cas une tueuse : cela lui aura fait bien mal, mais il ne se sera rien brisé. Les chats du Clan du Tonnerre savaient tout ce qu'il y avait à savoir sur la forêt et ses hauteurs. Et Douces Simagrées savait ça.

Le laissant au sol, elle lui cracha au visage, les oreilles baissées, le ton colérique :

« Approche-moi encore une seule fois, espèce de taré, et sache que tu le sentiras passer une seconde fois. Peut-être plus, même. »

Puis elle s'éloigna, toujours cette démarche aguicheuse collée au train. Belle dans toutes les circonstances qu'elle était, la chieuse.

[ HRP : tu peux clôturer, on peut enchaîner sur une deuxième rencontre de suite après si tu veux ! tu devrais me donner ton skype par mp si tu en as un, on pourra en parler là-bas. ^^ ]