Chaque matin, la vie d'Esprit du Lion était la même, il en avait l'habitude. Tout juste aux premières lueurs de l'aube, tandis que les doux rayons du soleil filtraient la tanière des guerriers, il levait légèrement la tête, encore bien endormi. Son regard balayait à chaque fois ces mêmes nids, ceux avec qui il avait le plus d'affinités, parfois ceux qui l'avaient marqué d'une quelconque manière la veille. D'un côté, il vérifiait si le chat en question était déjà debout ou encore dans son nid. Sans grande surprise, le lieutenant était souvent le premier levé et le dernier couché. C'était ainsi de seconder un chef, une place qu'il appréciait beaucoup désormais mais qu'il avait eu tendance à négliger depuis bien quatre lunes désormais, depuis que sa compagne lui avait annoncé qu'elle était enceinte de lui, en soit.
Il avait surveillé l'avancement de la grossesse avec appréhension et joie, craignant le pire tout en paraissant optimiste. Il connaissait les dures lois de la nature et perdre Cœur du Printemps aurait été un très gros coup dur pour le guerrier roux qui n'avait plus aucune famille désormais. Celle-ci se trouvait là-haut, reposant en paix, chassant parmi les étoiles. Et chaque matin, il jetait un coup d’œil vers le ciel, espérant parfois y apercevoir les étoiles les plus scintillantes qui persistaient malgré la lumière de l'astre flamboyant.

Il laissait les guerriers se lever, prenait une frêle proie dans le tas de gibier si celui-ci était assez garni à son goût puis rassemblait les chasseurs matinaux autour de lui. Il envoyait la patrouille de chasse et la patrouille frontalière des deux côtés du territoire, prenait parfois la tête de l'une des deux, mais pas ce matin. C'est ainsi qu'il brisa la routine qu'il aimait, tant qu'il avait encore l'occasion, parfois, de la bouleverser.

Ce matin, sous ses yeux, Nuage de l'Étang se pavanait fièrement dans le camp. Le rouquin le voyait bien : depuis que le jeune chat était devenu apprenti, il avait une joie si immense qu'il ne savait pas tellement comment la démontrer tout en restant calme. Un bien beau dilemme. Puis, quelques instants plus tard, ne comprenant pas trop ce qu'il était en train de se passer, Esprit du Lion découvrit le novice ayant le museau aplatit par terre. Sans doute s'était-il emmêlé à nouveau les pattes dans ses poils longs. Le sourire trônant sur son visage, il s'approcha du jeune chat et le remit sur ses pattes, affichant un visage parfaitement compréhensible pour les autres que se moquaient au lieu de l'aider à se relever. Comprenant rapidement le message, ils se turent et s'éloignèrent.

— Nuage de l'Étang, ça va ? demanda-t-il, un léger ton d'inquiétude dans le timbre de sa voix. Tu sais, quand j'étais jeune, j'étais un peu maladroit et tombait souvent. Et ma mère me répétait à chaque fois : On ne peut pas tomber plus bas que terre, Petit Lion. Et à chaque fois, nous rigolions.

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