Nuage Sauvage lâcha un long bâillement à s’en décocher la mâchoire. La féline avait dormi d’un sommeil agité cette nuit sans en connaître la raison. Et désormais, ce matin, le réveil fut plus dur que jamais lorsque son mentor vint appuyer sa patte douçâtre contre ses flancs. Elle avait papillonné des paupières quelques instants afin d’habituer ses yeux ambrés à la lumière du jour en sortant de sa tanière. Elle sentit ses muscles engourdis par la dureté des entraînements qu’elle effectuait et la fatigue qu’elle ne parvenait pas à chasser de son visage. Approchant du guerrier qui l’avait réveillé, elle le supplia de pouvoir se rendormir, elle n’aurait pas la force de porter ses pattes sur le territoire afin de vérifier les tanières ou bien d’aller chasser. Ses membres tremblants d’exténuation lui nuiraient au cours d’une pêche, cela pourrait même lui provoquer beaucoup de maladresses et elle n’avait pas envie de subir les remontrances des membres de sa patrouille.
Son mentor lui ordonna donc d’aller se recoucher afin de récupérer et qu’ils travailleraient demain. Ce qui voulait dire que cette après-midi, Nuage Sauvage aurait quartier libre, ce qui lui permettrait sûrement d’aller patrouiller un peu afin de se rattraper de cette matinée où elle ne ferait rien. Elle pouvait bien aider à l’intérieur du camp mais là encore, ses membres ne supporteraient pas de la porter – elle avait tout juste assez de forces pour tenir debout, si bien que lorsqu’une petite boule de poils blanche comme neige vint la percuter gentiment, la femelle eut l’impression d’être projetée à dix longueurs de queue plus long alors qu’elle était tout juste tombée sur son arrière-train. En scrutant le petit animal, elle reconnut sans peine Petit Rossignol, le frère de Petite Hirondelle – dont elle entendait peu parler – et de Petit Hibou – qu’elle avait déjà eu dans ses pattes récemment. Et voici donc le petit dernier. Il ressemblait comme deux gouttes d’eau à Totem du Faucon, le nouveau guérisseur qui était surtout son ami d’enfance mais sa ressemblance avec Plume de Cygne, sa mère, était d’autant plus frappante.

— Oh, pardon. Tu es toute seule, toi aussi ?

Nuage Sauvage laissa un doux rictus se dessiner sur son visage d’enfant, comprenant alors que le chaton cherchait de la compagnie. Elle eut pitié de lui, peut-être un peu trop car cela lui coûtait de rester discuter avec un jeune chat, elle ne pouvait pas aller se reposer comme lui avait ordonné son mentor, mais les petites boules de poils tel que lui était l’avenir du clan. Les piliers en quelque sorte ; ils avaient tant à porter sur leurs frêles épaules ! Et sans le savoir, en plus. La petite tricolore scruta l’animal avant de lui répondre, pensive. Elle, toute seule ? Non, pas constamment. Mais à cet instant précis, un peu.

— Ce n’est pas grave, Petit Rossignol. Mmh, disons que je l’étais, mais plus maintenant vu que tu es là ! dit-elle sur le ton de la rigolade.

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Le sosie miniature de Totem du Faucon hochait la tête, le regard pétillant. Le bonheur se lisait sur son grand sourire qui élargissait son doux visage. Nuage Sauvage scrutait son humeur enfantine et cela emplit alors son cœur d’une joie immense. Il devait se rendre compte qu’enfin, quelqu’un voulait bien passer un peu de temps avec lui. L’apprentie était plutôt heureuse de donner le sourire à quelques chats dans la journée. Il en fallait vraiment peu pour que la demoiselle soit heureuse. Un ciel bleu, du soleil et quelques chats pas trop grognons et puis tout lui réussissait. Elle se satisfaisait même de la pluie fine qui tombe parfois la nuit. Après tout, elle est du Clan de la Rivière et l’eau est son élément de prédilection.

— Je suis navré, mais je ne sais pas comment tu t'appelles. Quel est ton nom ? Et tu es une apprentie ?

La femelle sourit à nouveau, laissant légèrement des petits crocs apparaître. Il était vrai que la demoiselle n’était pas tellement connue dans le camp. Une féline banale tout au plus. Même son meilleur ami pour qui elle avait le béguin ne semblait pas la voir, préférant nettement se pencher vers des chatonnes plus jeunes et plus réputées dans le camp que lui. Un peu comme Petite Onde à vrai dire. La novice allait lui répondre et lui proposer quelque chose, mais le chaton voulait jouer.

— On joue ? demanda-t-il candidement. Elle ne se voyait pas refuser cela au jeune chat dont deux voir trois lunes les séparaient, tout au plus. D’ici quelques temps, ils auraient la possibilité de se côtoyer bien plus souvent et cela la ravissait. Attrape-moi si tu peux !

Son petit rire cristallin la fit sortir de ses pensées et elle se lança aussitôt à sa poursuite. Dans cette course folle dans le camp, elle sentit les regards lourds de sens des guerriers encore présents, souhaitant profiter du calme. Mais Nuage Sauvage n’en avait rien à faire, il y avait bien longtemps qu’elle n’était pas retournée en enfance comme lorsqu’elle était petite.
Bientôt, elle rattrapa le mâle blanc immaculé qui lui donna tout de même du fil à retordre, mais elle parvint à attraper sa nuque. Le portant alors jusqu’à l’entrée de la tanière des reines, elle le déposa délicatement.

— Je t'ai eu ! dit-elle. Au fait, j’aurai un petit truc à te proposer, commença-t-elle, mystérieuse. Et si tu acceptes, je te donne mon nom !

Son petit plan s’élaborait doucement dans sa tête à mesure que le temps avançait pas à pas, calmement et dans son éternelle régularité. Ou on le suivait et on le sentait passer, ou on ne s’en préoccupait plus et il semblait aller bien plus vite.

— Il se trouve que j’aime beaucoup, beaucoup, beaucoup trop mon meilleur ami, Nuage Argenté. Disons que c’est plus qu’un ami … c’est je sais pas comment te l’expliquer … La petite avait bien du mal à se l’avouer car cela foutait un bon coup à sa fierté, mais si elle voulait que Petit Rossignol cerne le problème, elle devait se montrer explicit. Je suis amoureuse de lui. Mais, le problème, ce qu’il s’intéresse à plein de femelles, sauf à moi ! D’abord Nuage de la Panthère, maintenant Petite Onde. J’en peux plus moi. Est-ce ça te dirait de le rendre jaloux, de passer du temps avec moi juste pour l’embêter ? Tu pourrais faire ça pour moi ? S’il te plaiiit ?

Nuage Sauvage avait lâché son regard le plus craquant qu’elle n’ait jamais fait. Un joli sourire charmeur et ses yeux brillant d’une lueur qui faisait pitié. Elle espérait que le chaton dirait oui, qu’il ne serait pas contre s’embarquer dans une mission comme celle-ci. Elle avait tant peur qu’il dise non !

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