J’avais vu l’ouverture de ce sujet grâce à une escapade en ville (merci 3G) et j’ai eu envie d’y répondre depuis.
Ceci est un sujet qui me tient à cœur – n’importe quel genre de discrimination me touche, parce qu’en tant que femme je suis (et nous sommes) aussi sujette à une sorte de ségrégation (le mot est fort, je le sais, mais certains faits le sont aussi). Bref, ceci pour dire que si jamais mes propos vous choquent ou vous incommodent, je suis désolée de vous causer du tort, mais en aucun cas je ne m’excuserais pour ce que je vais dire. Si personne ne lit ça, tant pis. J’aurais dit ce que j’ai à dire et voilà. (Question de vocabulaire –quand je dis couple ou mariage homosexuel, je parle de deux personnes du même genre, pas de deux personnes homosexuelles).
Je suis moi aussi une fervente supportrice de la communauté LGTBQA, même si ça me peine de le mettre sous ces mots (j’ai l’impression désagréable d’être une fan d’un club de foot ; mais je ne trouve pas d’autre façon de le dire alors ça devra suffire pour l’instant). J’ai été très étonnée – quoique je n’aurais peut-être pas dû l’être, vu le traditionalisme chauviniste du gouvernement de ce pays – de la résistance qui s’est présentée en France face au mariage homosexuel. Ça m’a choquée, vraiment, de voir que dans un pays qui se dit laïque de telles oppositions aient eu lieu. Attention, je ne veux pas faire d’amalgames ici, et je précise (parce que je me suis déjà faite presque agressée à ce sujet) : je n’implique pas que toutes les personnes religieuses sont allées protester ou que seules des personnes religieuses aient été opposées (loin de là, puisqu'on entend dans certains discours des mots comme "anti-naturel"). Je dis juste que les arguments présentés étaient principalement tirés de textes religieux avec lesquels on peut être ou ne pas être d’accord mais qui n’ont absolument RIEN à faire dans le discours politique. C’est un tout autre débat, mais je tenais à partager l’indignation que j’ai senti (et que je sens encore, deux ans après) face aux mouvements tels que « La Manif pour tous ». Je ne le cacherais pas, certains propos me dégoûtaient et me faisaient pleurer de rage et d’une profonde tristesse. Je viens de l’Espagne, où le mariage homosexuel est légal depuis 2005 (j’avais 10 ans ; pendant toute mon adolescence, ça a été quelque chose de normal) et je viens surtout de Barcelone, où les couples de même genre sont une banalité. Je ne pouvais tout juste pas concevoir qu’une opposition si forte puisse voir le jour dans un pays tel que la France (vous savez, Liberté, Égalité, Fraternité et toutes ces hypocrisies).
J’ai parfois entendu que le problème n’était pas l’union mais le mot – que le mot « mariage » est un terme qui s’applique à un couple constitué par une femme et un homme. Que c’est une question de vocabulaire. Je ne sais pas si ces personnes se rendent compte qu’une « question de vocabulaire » est aussi une « question de discrimination ». Le « mariage » est aussi à la base une union qui devrait être « stable » (ie pas de divorce) afin de préparer la « création d’une famille » (il est vrai que 100% des couples hétérosexuels qui se marient fondent une famille avec des enfants, bien sûr !). L’argument du vocabulaire me parait tout bonnement risible – la langue est une chose vivante, qui évolue avec le temps et les personnes. Si des mots tels que « selfie » et « bolos » peuvent
entrer dans le dictionnaire, alors le mot « mariage » peut tout simplement étendre sa panoplie de sens.
Je trouve dommage qu’un tel débat existe encore, en réalité. Ça ne devrait même pas être un sujet de débat : est-ce que l’on débat si être Verseau est bien ou mal ? (J’espère que non, puisque je le suis) Ou être brune ou blonde ? Voilà pour moi l’absurdité du débat. (Attention, je ne dis pas que ce sujet me semble ridicule, je suis au contraire très contente qu’il ait été ouvert, mais j’aimerais qu’un jour l’idée de débattre à ce sujet semble aussi incongrue.) Je ne vais même pas m’attarder à dire pourquoi les relations homosexuelles me semblent totalement normales. Quant à l’adoption pour les couples de même genre – je dirais juste que j’ai une fois lu une étude américaine qui disait qu’aux USA, il y avait 5 couples homosexuels disposés à adopter pour chaque enfant orphelin en attente de parents. C’est tout ce que j’ai à dire sur le sujet, je crois que beaucoup de personnes détenant un tant soit peu de pouvoir devrait y réfléchir.
En fait il y a une autre chose qui me tient à cœur que j’aimerais partager.
Voilà, ce que je trouve aussi très dommage dans toutes ces discussions, c’est qu’on associe le terme « homosexualité » à toute relation sortant du traditionnel « homme-femme ». Je trouve qu’il y a malheureusement une bien pauvre éducation sexuelle dans l'adolescence et que plus tard on ne cherche pas à savoir. On parle d’homosexualité, de gays, de lesbiennes et on se limite à ça – on en oublie qu’il existe d’autres communautés qui sont aussi discriminées voire effacées. La bisexualité existe (et non, ce n’est pas 50% homo – 50% hétéro ; ça a un nom), la pansexualité, l’asexualité, la demisexualité – et tout un panel d’orientations sexuelles qui sont oubliées. Je trouve qu’on montre facilement notre support pour la communauté homosexuelle (ce qui est bien ! c’est très bien, même !) mais qu’on a tout aussi facilement vite oublié de parler du reste. Je pense qu’il est important d’en parler parce que parfois certaines personnes ne savent pas comment se dénommer elles-mêmes. « J’aime exclusivement les personnes d’un autre genre -ok, je suis hétéro. Je n’aime que les personnes de mon propre genre – ok, homosexuel. Je ne sens d’attraction sexuelle envers personne – qu’est-ce que ça veut dire ?? ». Certains diront qu’ils n’ont pas envie de poser un nom sur leur sexualité – c’est bien, c’est dans leur droit. Mais d’autres ont besoin de savoir qu’ils ne sont pas seuls dans leur cas, qu’ils ne sont pas « différents », « des cas à part » – et comment savoir que, non, n’être attiré sexuellement par personne n’est pas une maladie, ne veut pas dire être brisé, si on ne sait pas que l’asexualité est une orientation qui existe ? Le sentiment d’appartenance est extrêmement important, surtout chez les jeunes, chez qui toute forme d’exclusion peut être très mal vécue.
Il y a un manque terrible d’éducation à ce sujet, dans le monde entier en général. Personne ne m’a enseigné ça – c’est à force de trainer sur internet, d’aller chercher moi-même les informations que j’ai su que la sexualité n’est pas un trinôme mais un spectre.
(Je mets le paragraphe suivant en spoiler, parce que je ne veux pas me faire sanctionner. Je ne trouve rien de choquant ni de vulgaire dans mes propos, mais mieux vaut prévenir que guérir : je parle de sexe, parfois.)
- Spoiler:
Je blâme sincèrement nos systèmes éducatifs pour un manque d’ouverture et de rigueur dans notre éducation sexuelle. Le seul et unique cours que j’ai eu pendant mes années de collège et de lycée ressemblant un tant soit peu à de l’éducation sexuelle était une heure de cours pendant laquelle une chââârmante madame est venue expliquer à une classe de 14/15 ans comment mettre une serviette hygiénique et un tampon. Merci bien, j’ai eu mes premières menstruations à 11 ans – vous arrivez un peu tard. Je ne sais pas si dans d’autres collèges la situation est meilleure, mais je doute fortement qu’on vous explique plus que « capote sur pénis, pénis dans vagin ». C’est un début – mais pour les demoiselles intéressées par les autres femmes, rien sur les dangers de transmission de maladies (qui ne se transmettent pas que pendant un rapport pénétratif), rien sur la possibilité d’une vie sexuelle active et saine sans besoin de mettre un pénis dans le tout. Pour les jeunes garçons intéressés par d’autres garçons, rien sur la préparation au sexe anal (qui doit se préparer, bon sang), sur la stimulation prostatique.
Les jeunes sont exposés de plus en plus tôt à la violence et au sexe, mais on refuse de les éduquer et ils finissent par croire que ce qu’ils voient, c’est ce qu’il faut faire. Pour ceux qui sortent du classique « homme-femme », il n’y a rien pour les guider ; c’est triste. C’est de la discrimination.
Je sors peut-être un peu du sujet du débat – mais finalement on m’a demandé ce que je pense de l’homosexualité et voilà ce que je pense : qu’elle est largement mise à part (avec toute autre orientation sexuelle), non seulement dans les droits accordés aux couples de même genre, mais dans le traitement qu’elle reçoit dans la vie de tous les jours. Quand on dit à un garçon : « tu vas faire tomber toutes les filles », c’est l’effacement de toute une communauté (et si ce jeune homme préférait faire tomber tous les garçons ? ou les deux ?) ; quand on dit à une adolescente : « alors, tu as un petit copain ? », elle se demande comment expliquer à ses parents qu’elle sort avec sa copine depuis deux mois. On peut dire « je suis en faveur de l’homosexualité » (bon pas en avant !) mais on systématise, on continue à imposer une norme (on ne dit pas « J’espère que Jean trouvera une belle
personne avec qui vivre sa vie » mais « J’espère que Jean trouvera une belle
fille avec qui vivre sa vie »). C’est dans les articles « 10 techniques infaillibles pour attirer l’homme de vos rêves » des revues destinées aux femmes ; c’est dans l’interdiction de jouer un personnage non hétérosexuel dans un forum ; c’est les histoires Disneys avec un prince et une princesse seulement. C’est totalement inconscient, mais on s’enracine encore dans la norme hétérosexuelle. L’homosexualité, la bisexualité, la pan-, demi-, asexualité, tout cela relève encore et toujours de l’extraordinaire, du « à part ». J’aimerais qu’il n’y ait pas de norme ; qu’on n’assume pas.
J’entends des mots comme « PD » (qui est d’ailleurs très blessant, parce que ça vient du mot « pédéraste » et je vous laisse en tirer les implications), « tapette », lancés à tout bout de champ entre mecs, parfois par des femmes. Parfois comme insultes, parfois juste pour rigoler. Je vois les relations lesbiennes se faire sexualiser par des hommes alors qu’ils sont dégoutés par les gays. Je vois une peur terrible d’être associé à tout ce qui n’est pas hétérosexuel. Je vous jure avoir entendu de la panique dans la voix d’une fille qui avouait, dans un jeu de soirée stupide : « J’ai une fois couché avec une fille mais je ne suis pas lesbienne, hein ! Je ne suis pas lesbienne, j’aime les hommes ! ». Ce n’était même pas du dégoût, mais une peur sincère. Je vois tout ça, et ça me brise le cœur, ça me peine honnêtement parce que je ne comprends pas, je ne comprends tout juste pas.
Voilà. Je pourrais en écrire des mètres et des mètres – il y a beaucoup plus de choses à dire – mais je ne sais pas si c’est l’endroit. J’espère que ça en fera réagir certains ; j’adorerais en discuter, connaître l’avis des gens (même si parfois, il peut ne pas me plaire). Il y encore plein de choses à écrire et peut-être nous nous donnerons la possibilité de le faire !
De nouveau, j’espère n’avoir vexé personne, mais je ne vais pas m’excuser pour avoir écrit ce que j’ai écrit. Ceci est après tout un lieu de débat.
Bonne journée mes camarades !