Pendaison du Condamné.
L’église abandonnée. C’était un endroit qui inspirait la peur et l’angoisse. Qui oserait s’aventurer dans un endroit inhabité depuis des lustres. Dans un endroit froid. Brisé. Détruit. Ce n’était pas un grand intérêt pour tout le monde. Les autres préféraient les endroits plus joyeux et plus doux. Les murs étaient faits de pierre. Le toit était brisé, laissant entrer les derniers rayons de soleil. Dans quelques instants, nous serons tous emballés dans l’obscurité nocturne. Quelques couleurs se baladaient sur le sol de béton. Du rouge. Du bleu. Du vert. C’était les charmantes couleurs des vitraux qui restaient. L’église était illuminée d’une couleur inexplicable. Elle pouvait faire ressentir de la douceur. Comme si cet endroit était familier aux yeux de tous, reprenant les couleurs d’antan. Au centre du bâtiment, il y avait un passage central entouré des bancs brisé par le temps. Ceux où, d’après les humains, ils venaient prier. Écouter. Une ombre blanche vaguait entre ces fameux bancs en bois vernis, ne sachant où aller. On pouvait croire qu’elle survolait le sol. Un fantôme ? Non. Ce serait bien trop commun. Trop surprenant. Ce n’était rien d’autre qu’un chat. Un chat tenant un pelage aussi blanc que la neige. Une truffe aussi rose qu’un bonbon. Et des yeux aussi bleus qu’une eau transparente. Son nom ? Il paraissait qu’il s’appelait Pendaison du Condamné. Les rumeurs disent qu’il était un simple pantin du diable, détruisant tout sur son passage. Mais il avait l’air si calme. Si distant et silencieux. Il marchait sans faire le moindre bruit, s’approchant peu à peu du cœur de l’église. Il voulait encore prendre un peu de temps devant lui avant de rentrer au camp. L’Ombreux n’avait guère envie d’y retourner en cet instant. Il ignorait totalement qu’en ce moment-même il n’était pas seul. Le chat blanc arriva alors vers un point lumineux de l’immense pièce. Puis il pensait voir une forme. Une forme féline et même féminine. Il avait une vue indomptable. Avec le peu de lumière qu’il restait, Pendaison du Condamné pouvait distinguer une vague couleur bronze avec quelques petites taches noires. Il s’arrêta un instant pour l’observer. Elle avait pourtant l’air seule. Et calme. Son flair lui faisait remarquer qu’elle était sans un clan. Une simple solitaire, aussi libre que le vent dans les plaines. Ce n’était pas la première fois qu’il croisait quelqu’un dans sa journée. D’ailleurs, ce qu’il souhaitait, c’était de se reposer un peu. De profiter d’un moment de libre. Ses oreilles se redressaient. On pouvait presque croire que tout ça n’était qu’un rêve, qui allait certainement finir par s’envoler comme des feuilles mortes dans un temps automnal. C’est alors que l’inconnue le remarquait. À vrai dire, on ne pouvait pas le détourner. Avec le peu de luminosité et son pelage blanc uni, il était comme exposé à un flash. Elle lui lança quelques mots de loin.

« Bonjour à toi félin mystérieux. Que fais-tu en ces lieux lugubres et froids ou seul mon âme perdue ose pénétrer ? »

Ces mots résonnaient dans l’église, donnant de la profondeur à ses paroles. Surprit par le fait qu’on s’adresse à lui, le mâle se posa d’abord la question. Était-t-elle en train de lui parler ? Par simple mégarde, il regardait autour de lui. Il n’y avait personne d’autre. Juste lui. Et elle. Relevant un peu plus la tête, il hésitait à faire un autre pas ou partir. Et puis à quoi bon de fuir ? Après tout, ce n’était pas une femelle qui allait faire grand-chose. Bombant légèrement le poitrail, il avança lentement vers cette fameuse solitaire. Plus il s’approchait, plus il pouvait apercevoir un regard de glace. Un regard flagrant. Des yeux grisés qui accrochait n’importe quel autre regard inconnu. D’une voix certaine, il lui répondit avec élégance et grâce à son tour.

«Je m'apprêtais à rentrer chez moi, profitant de ces derniers instants de liberté. Et vous, féline. Que faites-vous ici, ignorant un magnifique couché du soleil à l'extérieur ? »

Ce n’était pas dans ses grandes habitudes de parler ainsi. Mais il se prêtait au jeu. De nature, il préférait même ne pas en entendre parler. Il ignorait tout dialogue avec les autres félins. Pourtant, ce jour-là, il préférait faire une exception. Pendaison du Condamné était bien malin et jouait avec plusieurs masques. Pourtant, c’était sans aucun mal. Quoique. Lorsque les rumeurs tournent, il y en a peu qui prenait confiance. L’avenir nous cachait des choses. Des choses horribles comme magnifiques. Attendons patiemment. L’action viendra. L’action tuera.

Pendaison du Condamné.
La vagabonde lui accorda un sourire. Il se dessinait avec grâce sur ses babines, sous un air charmeur. Mais le guerrier ne se laissait pas avoir. Il se concentra sur autre chose, ne fixant en aucun cas son regard et son sourire. Il savait bien que les femelles pouvaient en jouer. Jouer avec leur charme. C’était une méthode irréversible pour avoir tout ce qu’elles voulaient. Et ça n’allait certainement pas tarder à se montrer. Pendaison du Condamné resta immobile face à elle. Cette dernière se leva et, d’une marche majestueuse, se dirigea vers lui avant de lui tourner autour, tel un vautour autour de sa proie. Le mâle tournait simplement le regard, ne prenant même pas la peine de tourner la tête en sa direction. Il restait de glace face à elle. La solitaire faisait exprès de frôler son pelage à celui de l’Ombreux. Elle s’y frottait, même. Très vite, Pendaison du Condamné se décala légèrement. Ce n’était pas courant que ce genre de chose lui arrivait. C’était très rare, même. D’ailleurs ce n’était pas quelque chose qu’il appréciait en temps normal. Légèrement décalé de la jeune femelle, son regard bleu glacé se dirigea vers le sien. Que voulait-t-elle. L’Ombreux se demandait encore pourquoi il s’en était approché. Il s’attendait à une autre personnalité. À un autre masque qui aurait pu l’accueillir à bras ouverts. Mais ce n’était pas le cas. Méfiant, il attendait.

« Les couchés de soleil ne sont beau que s'ils sont partagés avec quelqu'un, que diriez-vous que nous allions le regarder ensemble ? », demanda-t-elle.

Sa voix résonnait à nouveau dans les restes de morceaux de l’église. À l’écoute, le mâle redressa sa petite paire d’oreille. Elle n’avait l’air si profiteuse derrière ces paroles sincères. Car oui, elle avait raison. Les couchés de soleil étaient bien meilleurs lorsque nous étions accompagnés. Mais ça ne convainquait pas le guerrier. Il restait méfiant, tout de même. Restant silencieux, il voyait la vagabonde s’en aller, sans même attendre la moindre réponse de l’inconnu. Elle avait l’air si sûre d’elle. Il se retrouvait seul sous les lumières colorées des carreaux et des derniers rayons de soleil. Il eut un moment d’hésitation. Après tout, il pouvait très bien faire marche arrière et partir, rentrant au camp sans même repenser à elle. Mais c’est comme si une force lui demandait d’y aller. Il avait envie de se rapprocher un peu plus d’elle. La connaître. D’un pas décisif, il repassa sur ses traces au petit trot avant de se retrouver à l’extérieur des décombres de l’église. Pendaison du Condamné la vit assise. Il ignorait encore son identité mais il voulait bien savoir comment elle se nommait. Il était peut-être trop tôt, encore, pour poser ce genre de question. Sans rien dire, il s’approcha doucement, marchant avec hésitation. Le ciel était magnifique. Bleu, un peu dégagé de n’importe quel nuage, de légers reflets rosés et les rayons dorés qui disparaissait peu à peu. Sous ce spectacle donné par les lois de la nature, le guerrier ne lâcha pas le ciel du regard, s’arrêtant ensuite à la hauteur de la femelle.

« N'est ce pas romantique les couchés de soleil, je n'ai jamais eu l'occasion d'en voir avec un mâle, qui plus est, aussi charmant que vous. Mais que suis-je idiote, je ne me suis même pas présenté, je me nomme Fairytale, vagabonde en quête de compagnie. »

Fairytale. C’était donc ça son nom. Il était ravissant. Autant que son sourire et son regard séducteur. D’autant plus qu’elle continuait, laissant sa queue caresser l’un des flancs du mâle. Ce n’était plus de la froideur qui envahissait le jeune guerrier. Mais de la gêne. De la timidité. Il se laissait avoir, certes, mais aveugle comme il était, il ne faisait pas attention du tout. Après un bref instant de silence, il se réveilla légèrement. Puis, il finit par lui répondre.

« Enchanté. Moi c'est Pendaison du Condamné, guerrier du clan de l'Ombre. »

Même sa superbe voix de mâle semblait hésiter de temps à autre. Un vrai enfant intimidé par une jeune femelle au magnifique regard. C’est vrai qu’elle était jolie. Il ferma ses yeux de glace un court instant avant de les rouvrir, redescendant sur terre. Il détourna son regard, le reposant sur le ciel qui montrait ses dernières couleurs. Pendaison du Condamné tentait de garder un minimum son sérieux, mais le fait que la femelle soit proche et arrive à le toucher du bout de la queue le gênait légèrement. Elle n’allait tout de même pas le tuer. Et pourtant c’était comme s’il redoutait ce cas.

Pendaison du Condamné.
Il ne s’attendait pas à ce que son nom ravisse la jeune femelle. À vrai dire, il possédait certainement un nom faisant trembler corps et âme. Il se souvenait du jour où il avait été baptisé ainsi. Il se trouvait qu’il n’avait pas hérité de ce nom à sa naissance, mais quelques semaines après. Selon sa propre mère, il était condamné à perdre tous ces proches. Ses frères et sœurs n’avait pas survécu à l’accouchement se déroulant dans une nuit glaciale d’hiver. Il possédait un autre nom, peut-être joyeux ou non. Le guerrier ignorait cet ancien nom, d’ailleurs. Il ne l’avait jamais su et ne cherchait pas à l’avoir non plus. Après tout, celui-ci lui allait à ravir et c’était ça le plus important. L’Ombreux ignorait avec insistance le regard de la vagabonde. Il se sentait observé, certes, mais en aucun cas il n’avait levé les yeux pour planter son regard de glace dans le sien. Sa nouvelle connaissance semblait être assez maligne et semblait également maîtriser à la perfection ce qu’on appelait la manipulation. Il sentait bien ce genre de chose. Pourtant, ça ne l’empêchait pas de tomber peu à peu dans le piège. Perdu dans ses pensées, il n’avait même pas remarqué qu’une parade d’oiseaux survolait au-dessus d’eux, donnant un magnifique spectacle pour embellir ce ciel aux couleurs pastelles. Relevant légèrement les yeux vers les cieux, il pouvait profiter de ce court et dernier instant. Du coin de l’œil, il regarda Fairytale discrètement. Elle venait de fermer les yeux. Les portes d’une échappatoire s’ouvraient enfin à lui. Ce n’était pas qu’il ne voulait pas d’elle, mais l’atmosphère commençait gentiment à devenir de plus en plus froide. L’humidité se ressentait doucement et le sol devenait légèrement mouillé. Tous étaient des signes d’une bonne fin de journée. Lentement, restant assit, Pendaison du Condamné tourna légèrement la tête du côté opposé de la femelle et s’apprêtait à se relever, avant que cette dernière reprenne la parole.

« Dites moi, comment pouvez vous vivre dans un Clan? Enfin je veux dire, comment pouvez vous vivre dans une société pareil, ou le mot loyauté se résume à servir ses camarades jusqu’à son dernier souffle et ou rien n’est plus important que le code du guerrier ? », reprit-elle.

Avant même qu’elle ne puisse rouvrir ses prunelles, le guerrier s’était remis en place, comme si rien ne s’était passé. On remarquait bien qu’elle ne connaissait pas grand-chose des clans. Après tout, ce n’était qu’une vagabonde parmi tant d’autre. Il savait bien que ces félins solitaires n’étaient pas au courant de tout et de n’importe quoi. Et pour lui, c’était une très bonne question. Il ne connaissait pas la réponse exacte. Pourquoi ? Parce qu’il était né dans ce clan, il avait grandi dans ce clan et ne songeait en aucun cas de le quitter. C’était comme une deuxième famille, pour lui. Et puis au fond, il admirait la cheffe. Il se trouvait que, dans le passé, il était le jeune mentor d’Étoile de la Louve. Il connaissait également son frère, Envol de l’Aigle. C’était comme une petite famille à ces yeux. Pendant un court instant, il se contenta de faire planer le silence. Puis, il finit par répondre. Même si cela n’allait certainement pas répondre à sa question.

« Eh bien on s'y fait, avec les années ... Et puis c'est comme une deuxième famille, en quelque sorte. »

C’était une réponse faible et il le savait très bien. Mais que dire de plus. Lui-même ne savait pas. Il est vrai qu’à cet instant précis, on pouvait le considérer comme un idiot. Le guerrier avait envie de se faire petit. Tellement petit qu’il pouvait disparaître. Pourtant il ne se contenta que de garder le silence, attendant quelque chose à dire. C’était un échec de rester sur ce point. La honte l’envahissait peu à peu. Même s’il avait l’air d’un mâle aussi sûr de lui, fort, courageux et dominant, il avait, après tout, gardé cette petite flamme d’enfant. Après un court silence, encore une fois aussi pesant qu’un rocher sur le dos, il rajouta quelques paroles qui … Allaient être totalement différent de leur discussion actuelle.

« Je crois qu'il est temps de rentrer, non ? Il commence à faire froid. »

Sans attendre une réponse de la part de sa nouvelle amie, ou du moins: de sa nouvelle connaissance, il se leva en s’ébrouant un peu, gêné par cette humidité qui lui collait au pelage.

Pendaison du Condamné.
Une réponse n’avait pas fait long feu pour intervenir après sa dernière question. Ou du moins: un geste. Sous les dernières paroles de Pendaison du Condamné, Fairytale laissa tomber sa queue lourdement sur le sol. Un léger bruit sonore s’en était dégagé. Pris par la curiosité, le guerrier tourna son regard glacial vers la provenance du bruit. Elle semblait être déçue par ces mots. Ce qui mettait légèrement le mâle en mauvaise posture, gêné. Il ne voulait en aucun cas lui faire du mal émotionnellement. Et puis il se trouvait même qu’il avait prévu de faire un bout de chemin à ses côtés ! Malheureusement il n’avait pas eu le temps de le préciser, et plus les minutes s’écoulaient entre ses coussinets, plus il était trop tard pour se rattraper. Il relevait ensuite son regard le long du corps de la féline, avant de le reposer dans ses prunelles. Elle venait même de lui faire un sourire radieux. Mais il décida de ne pas y répondre. Elle s’était simplement contentée de sourire sous cette déception qui la hantait.

« Et bien ça a été une rencontre très constructive, vraiment, je suis heureuse d'avoir fait ta connaissance Pendaison du Condamné. »

Il se relevait, gonflant son pelage tacheté. Le guerrier ne pouvait nier le fait qu’elle avait de jolies formes et qu’elle était une vagabonde élégante, changeant complètement le cliché des solitaires fripés et repoussant avec leurs fortes odeurs. Elle brisait cette glace. Gardant le silence aussi précieusement que sa dernière proie, il la regardait s’avancer vers lui. À son tour, il se releva en redressant sa lourde queue en panache et redressa sa paire d’oreille pointue. Accidentellement, la vagabonde perdit un peu la foi avec l’équilibre et frôla son museau avec celui de l’Ombreux. Surpris, il n’avait pas réagi tout de suite. Il recula simplement la tête, sans même faire un seul pas en arrière. Elle était assez petite en face de lui. C’était … Adorable. Il la trouvait charmante avec ces grands yeux clairs, son poil bombé et sa petite taille de féline fragile. Elle finit donc par reculer, s’apprêtant à partir. Mais dans un petit élan, elle s’arrêta ne serait-ce qu’un court instant avant de jeter les dernières paroles au guerrier.

« Que dirais-tu que l'on se revoit ? Je t'attendrais tout le jour à la Grange Abandonné. J'espère que tu viendras. », proposa-t-elle.

C’était une invitation. Elle lui donnait un autre rendez-vous dans la grange abandonnée. Pendaison du Condamné savait où elle se trouvait. Mais il n’avait jamais pensé à s’y aventurer jusqu’à maintenant. Et c’est ainsi que Fairytale commençait à s’éloigner peu à peu, laissant l’ombre blanche sous ce ciel rosé. Le mâle hésitait plusieurs fois. Devait-il la retenir ou la laisser partir ? Ils ne se connaissaient même pas, certes, mais il y avait cette petite voix intérieure qui parlait à sa place et qui prenait elle-même les décisions. D’un bon sans réfléchit, il s’élança à la poursuite de la jeune féline. C’était dommage d’en finir ainsi, ne voulant pas approfondir les choses. Rallongeant ses foulées au galop, il laissa la terre humide se coller à ses coussinets roses. Ses poils longs s’envolaient sous la vitesse prise, donnant une sensation de crinière, donnant par la suite l’image d’un lion blanc qui courait.
Quelques foulées après, il arrivait enfin à la hauteur de la vagabonde. Essoufflé, il reprit sa respiration le temps de quelques secondes avant de s’élancer:

« Alors c'est comme ça que nous nous quittons ? Sans même un "au revoir" ? C'est vraiment dommage. », dit-il avant de faire une courte pause et de reprendre la parole. « Vagabonde que vous êtes, j'imagine que le temps ne joue pas avec vous. Et si on continuait un bout de chemin ensemble avant de se quitter pour de bon ? »

Il ne tentait pas de charmer la féline à son tour. Ce n’était pas dans ses techniques de manipulation. Il jouait avec la sincérité. Eh, oui. Il l’était. Il était sincère sur ces dernières paroles. Il serait ravi de pouvoir continuer à marcher à ses côtés, avant de se séparer avec leur chemin décisif.

Pendaison du Condamné.
Le jeune félin n’avait pas vraiment fait attention au dérangement qu’il semblait causer à la femelle. Elle se contentait juste de masquer ses expressions sous un masque d’acier. Une chose qui serait presque impossible de percer. Étant souvent seul également, le guerrier n’avait pas pour habitude de sculpter les traits du museau sur les autres chats. Il était fréquemment aperçu comme étant solitaire malgré le fait qu’il soit attaché à un clan. Pendaison du Condamné avait pris cette habitude de s’éclipser du clan dès son plus jeune âge. C’était, pour lui, une source de liberté. Il n’était pas considéré comme quelqu’un d’important au clan, c’est bien pour ça que son absence ne se fait pas souvent remarquer ou alors se discute très peu. D’antan, la seule fois où il était proche de quelqu’un c’était lors des entraînements d’Étoile de la Louve. Que cela puisse paraître ou non, il avait bien guidé sa cheffe étant petite. Il était fier d’elle. Fier de voir qu’aujourd’hui, elle tenait les capacités pour diriger un clan. Mais plus le temps passe, plus il se voit vieillir constamment, jour après jour. La vieillesse le rattrapera un jour, qu’il le veuille ou non. Et il finira comme tous les autres chats: errants dans un monde parallèle.
Encore aveuglé pour remarquer la moindre gêne occasionnée, il regardait autour de lui, les sentiers qui courbaient le petit chemin frayé dans la nature. Il y avait quelques fleurs. Mais elles avaient perdues toutes leur couleur d’été. L’automne approchait à grand pas. Les feuilles des arbres brunissaient avec le temps, puis tombaient dans un souffle hivernal, lâchement sur le sol terreux. Il était un peu perdu dans ses pensées, complètement décrocher des mortels. Soudainement, une chose se précipita sur eux, bousculant avec force la féline. Ce n’était qu’un simple rongeur, certes. Mais un rongeur affolé, angoissé, apeuré. Il avait percuté Fairytale qui, cette dernière, avait grandement perdu l’équilibre et s’était jetée contre le mâle. Ne sachant comment, il rouvrit les yeux après les avoir fermés pendant le choc, puis vit le museau de la féline gracieuse face au sien, empilé l’un sur l’autre. C’était un instant très gênant. Surtout pour lui, ignorant ce genre de moment et de sentiment. Après un court moment silencieux, la vagabonde se retira de lui, se redressant sur ses membres, gênée. Pendaison du Condamné, quant à lui, restait encore dos contre terre. Un frisson lui parcouru le ventre. C’était la première fois qu’il ressentait ça.

« Pardon, je ne vous ai pas fait mal au moins. C’est que quelque chose ma percuté et … Et bien je vous suis tombé dessus et … Qu’est ce que je peu être stupide vraiment. », dit-elle dans un grondement, encore envahie par la gêne.

Le guerrier resta ensevelit sous un lourd silence. Puis après quelques regards échangés, il se releva. Gardant ses mots pour lui, il prit le temps de se secouer, retirant toute la poussière accrochée au pelage blanc et raffiné qu’il possédait. Il se redressa un peu plus, avant de reprendre la fâcheuse habitude de bomber le poitrail. L’Ombreux aimait bien se montrer droit, dressé et prêt à enchaîner aventure sur aventure. Quand on portait le nom de guerrier, on ne s’imaginait pas forcément un chat en surpoids, les poils rêches et gras, puant les odeurs marécageuses. Il fallait bien être un minimum élégant. C’est alors qu’il finit par entrouvrir sa petite mâchoire habillée de crocs couleur ivoire, et y laissa glisser quelques mots.

« Ce n'est pas grave, un lapin venait de vous percuter, c'est normal. Ce ne sont que des excuses inutiles. », marmonna-t-il discrètement.

Il regarda la solitaire légèrement de haut, puis d’un geste du regard, Pendaison du Condamné lui demanda de le suivre. Ou du moins, pour continuer le bout de chemin qu’il restait. Dans peu de temps, ils seront sous l’obligeance de se quitter, chacun retrouvant son quotidien. Déçu ? C’était bien un grand mot pour le guerrier. Il savait bien que, tôt ou tard, il finira par la recroiser.

Pendaison du Condamné.
Un grondement envahissait la cage thoracique de la femelle. Surprit, le guerrier redressa sa petite paire d’oreille ronde. Elle semblait avoir du défi dans son regard. Il ignorait quoi, mais le sentiment été bon. Il haussait une de ses arcades, se demandant ce qu’elle allait faire. Ses pas étaient gracieux. Son poil lisse et légèrement bombé pour donner un peu plus de volume. Son regard malicieux. Restant immobile, Pendaison du Condamné n’avait pas réalisé qu’il était sur le point de se faire charmer une nouvelle fois par la vagabonde. Elle s’approchait de plus en plus, laissant ses gestes doux faire le jeu. Seulement, cette fois-ci, il ne ressentait pas le besoin d’avoir un réconfort de la sorte. Il préférait même ignorer les faits.

« Vous savez, vous m’impressionnez beaucoup, avec votre carrure, votre élégance, votre charisme. Je me demande comment un mâle comme vous n’est pas encore chef. »

Il écarquilla légèrement ses yeux faits de glace. Il descendit ses prunelles vers la femelle qui semblait prendre un malin plaisir à le prendre entre ses griffes. C’était d’une manipulation exquise. Pendant un court instant, il avouait. Il avouait être envouté par son regard et par sa douceur. Mais très vite, ce fut comme si une foudre le traversa. Il reprit un petit air sérieux, faisant quelques pas vers le côté opposé où se trouvait Fairytale. Puis, comme si rien ne s’était passé, il reprit sa marche qu’il aurait dû prendre il y a déjà un moment.

« Vos compliments me touchent. Et si on revenait aux faits ? »

Pour « les faits » il voulait simplement désigner le chemin qu’ils avaient commencé à prendre tous les deux.

Pendaison du Condamné.
La suite du chemin se fit dans le plus profond des silences. Le guerrier ne souhaitait rien rajouter de plus, étant déjà assez intimidé par le charme de la vagabonde. Elle était très belle. Très charmante. Il ne pouvait pas le cacher. Elle possédait cette touche de douceur irrésistible, capable de faire tomber n’importe quel félin amoureux d’elle. Peut-être que, dans le cœur de notre Ombreux brisé, des décharges électriques commençait à atteindre son cœur. Des décharges forcés, insistant à toucher le cerveau pour le faire broyer n’importe quoi. C’était une drôle de sensation à sentir. Il n’avait jamais connu ça auparavant. Pendaison du Condamné était comme un enfant, découvrant les choses de la vie. C’était touchant et adorable à la fois. Que dire de plus ?

« Et bien, j’ai l’impression que ne chemins se séparent ici. Comme il est triste que nous devions nous quitter si tôt. Enfin c’est ce que je pense. Au faite, tu sais pour le rendez-vous à la grange, mon offre tient toujours. », dit-elle en commençant à prendre son chemin respectif.

Celui du guerrier était à l’opposé. Lorsqu’elle étala ses paroles au grand jour, un léger pincement au cœur réveilla l’Ombreux. C’était donc ainsi ? Ainsi que cette séparation allait se terminer ? L’histoire encore un Ombreux et une vagabonde ne faisait que de commencer, certainement. Il fit un simple signe de la tête en disant « oui », comme pour lui répondre qu’il savait et qu’il en était honoré.

« Au revoir mon ami. »

Fairytaile semblait avoir insisté sur le dernier mot. Ce qui ne fit pas questionner notre guerrier. Il préférait simplement de rester neutre, répondant de sa voix masculine et sûre.

« À bientôt j'espère, Fairytaile. », dit-il en détournant le regard.

Sur ces mots, le mâle prit donc son chemin pour entrer au camp. Il avait hâte de la retrouver. Dans la grande. Mais quand ? Lorsque cette question lui traversa l’esprit, il s’arrêta et regarda derrière lui. Il n’y avait plus personne. Elle était aussi rapide que ce fameux lapin qui l’avait renversé tantôt. Baissant légèrement les yeux, il ne put s’empêcher de sourire. Puis, il reprit sa route. Pendaison du Condamné ne savait pas ce qui allait commencer entre eux deux. Certes. Mais il sentait déjà cette sensation d’attachement envers elle. Comme s’il avait adopté comme sa protégée. Nous verrons bien. Seul l’avenir dévoilera la surprise.