D'un coup de patte, je lui asséna un coup sur la tempe, ayant pris le soin de laisser mes griffes rentrées. Le mâle brun chancela un peu avant de revenir à la charge tête baissée. J’esquivai son coup, mais il parvint tout de même à me faire tomber en fauchant une de mes pattes au passage. Dans un râle, je m'écroulai sur le sol face première. Je n'attendis pas qu'il m'attaque de nous pour me relever, et profitant d'un moment d’inattention, je le plaqua au sol et laboura son ventre de coups.

« La séance est terminée! Lâchez-vous, les garçons. »

Dans un rire, je fanfaronna :

« J'ai gagné. Tu sais ce que ça veut dire? QUE TU VAS DEVOIR TE TAPER LES TIQUES DES ANCIENS! » dis-je, ma phrase se perdant dans un fou rire incontrôlable. Nuage d'Ortie m'asséna un coup sur l'oreille, visiblement vexé.

« Allez. C'est pas parce qu'on à parié que je ne viendrai pas t'aider si ça peut te faire plaisir, sale mauvais perdant. » le rassurais-je en lui assénant un coup d'épaule amical. Satisfaits tous les deux, nous quittèrent la clairière sans un mot de plus, talonnés par Pelage de Chardons.

Le matou gris m'avait proposé de m'entraîner au combat très tôt le matin, pour être productif un maximum. Offre que j'avais volontiers acceptée. Comment refuser un entraînement? Je crois que Pelage de Chardons était touché par ma cause, cette cause où ma mère ne pouvais plus m'entraîner. Peut-être était-ce pour ça qu'il me demandait si je voulais m'entraîner à chaque fois qu'il le pouvait. Réveillé par la présence du guerrier dans notre tanière, Nuage d'Ortie à toute suite démontré son intérêt pour l'entraînement lui aussi.

C'est par la suite que lui et moi avons parié. C'est enfantin, je sais, mais c'est beaucoup plus plaisant comme cela! J'aimais bien les défis. En fait, je cherchais les défis constamment : le paris avec ma sœur sur qui deviendra chef le premier entre nous deux; le défi de devenir lieutenant puis chef; le défi de séduire le plus de femelles possibles...! J'étais ridicule. Mais qu'importe.

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Lorsque les épines de la forêt laissèrent place à la terre remuée du camp, j’aperçus Envol de l'Aigle discuter avec Liqueur de Menthe. Quel macho. Toujours en train de ce chercher des belles femelles à séduire. Il avait sa tête de beau séducteur, il prenait son air fier. À chaque fois que je le voyais faire, je souriais. Le pire, c'est que c'était un vrai tombeur avec les dames. Si j'en étais une, diantre, comme je tomberais sous son charme, ce sale matou ridicule. Mais je n'étais que son meilleur ami, mon rôle était de l'encourager dans ses démarches en faisant pareil...!

Lorsque la demoiselle quitta le chevet de mon ami, il me remarqua aussitôt, bifurqua vers le tas de gibier et rapporta deux rongeurs. Il jeta à mes pattes un écureuil et se garda la petite souris. Il me sourit, ce sourire si chaleureux et sympathique.

« On mange un coup et on va chasser ? »

Il commença à dévorer sa souris et je fis de même avec l'écureuil. Après avoir mordu plusieurs fois dans de la fourrure rousse, je cracha quelques boules de poils infectes :

« Ces maudits écureuils. J'ai l'impression de manger une boule de poils! » crachais-je, sans pour autant être de mauvaise humeur. En quelques coups de griffes, je retira une grande partie de la fourrure et entama la viande qui me faisait tant saliver.

« Pas de problème pour la partie de chasse. » dis-je en mâchouillant un os, à la fin de notre festin. Lorsque j'eus finis, je lécha mon museau puis donna un coup de patte amical sur l'oreille du guerrier, prêt à partir.

« Tu viens? » dis-je, le sourire aux lèvres.

L'autre l'imita sans demander son reste en s'attaquant au jeune écureuil. L'apprenti cracha par terre des poils de l'animal mort et dit sans mauvaise humeur apparente :

« Ces maudits écureuils. J'ai l'impression de manger une boule de poils ! »

Envol de l'Aigle riait intérieurement. Il savait au combien Nuage de Lion haïssait les poils d'écureuil. Et il n'aurait pas honte d'avouer qu'il l'avait fait exprès. Cependant, même si les poils n'étaient pas très appréciés du novice, sa chair, elle, l'était bien plus. Le guerrier observa alors son ami s'inventant un nouveau rôle : celui d'ésthéticien d'écureuil. Ce qui lui allait, ma foi, plutôt bien. Le combattant prit la dernière bouchée de son rongeur et la mastica lentement, ne quittant pas des yeux les pattes de son meilleur ami qui labourraient de leurs griffes aiguisées le pelage de l'animal défunt. Enfin, Nuage de Lion l'entama et plus vite que l'éclair engurgita toute la viande l'animal, jusqu'à en lui rongé les os. Alors qu'il imitait les charognards, l'apprenti répondit :

« Pas de problème pour la partie de chasse. »

La boule de poil tigrée se leva et se hâta d'achever sur l'oreille du guerrier un coup de patte amicale. Envol de l'Aigle voulut en faire autant, mais le jeune félin s'était déjà éloigné vers la sortie du camps.

« Tu viens ? »

Le sourire qu'il lança était très charismatique et plein d'innocente sincérité. Envol de l'Aigle ne pût que lui rendre ce sourire. Le guerrier tigré se leva, s'étira et rejoinit d'un pas cadencé son ami. Il le dépassa et s'engoufra dans le tunnel qui menait au pinèdes. Mais aujourd'hui, chasser dans les pins ne lui faisait guère envie. Non, là où il voulait aller, c'était un lieu pur, calme. Un lieu unique en son genre. La source. Ah, la source. Etendue d'eau dans laquelle les reflets sont encore plus clairs que dans un miroir. Le seul point d'eau pure du territoire.
Sans même demander son avis à Nuage de Lion, il bifurqua en direction du lieu où il souhaitait aller. Il était certain que son ami le suiverait. Superbement, il ignora un ragondin. Mais il n'était pas pas sûr que l'apprenti l'ait quand à lui évité. Pourtant le jeune guerrier ne se retourna pas. Il avait hâte d'aller à la source, même si la raison lui était inconnue. La source. Il n'avait pas soif. La source. Il ne voulait en aucun cas se baigner. La source. Il y avait peut-être des poissons, mais à quoi bon alors qu'il ne sait pas pêcher.
Mais il n'avait plus le temps de se poser de questions. Il arrivait à la source. Immédiatement, il se mit en position du chasseur, il ne savait pas si Nuage de Lion était là, mais il lui fit un signe des oreilles voulant dire qu'il devait se baisser aussi. Mais, était-il là ? Pas le temps de se poser la question. Les grattements d'une souris contre l'écorce d'un grand pin le captivaient. Les yeux rivés sur sa proie, Envol de l'Aigle s'avança. Une patte après l'autre, doucement. Lentement. Sûrement. Il avançait. Oh oui, voir ses muscles rouler sous son pelage, voir ses pattes effleurer la terre avec autant de délicatesse, ç'en était jouissif. Une longueur de queue de renard le séparait du rongeur. Et il saute. Un grand bon. Un haut bon. Silencieux. Comme la bise du vent. Le soupir délicat d'une reine. Il attérit sur sa proie, tout de suite assomée. Et il lui brisa d'un petit coup de croc la nuque. Plus siliencieusement que le battement d'une aile d'Aigle.

Envol de l'Aigle se leva et s'étira longuement, à croire qu'il faisait tout pour me faire perdre mon temps. Il passa dans le tunnel le premier, puis tourna subitement. Que faisait-il? Nous n'allions pas chasser? Un bref grognement s'échappa de moi alors que je lui emboîtais le pas. Aigle faisait son chemin, sans même regarder autour de lui, voir une quelconque source de nourriture. Un ragondin barbotait dans une flaque d'eau, près de nous. Je m'attendais à ce qu'il s'arrête, qu'il l’attrape. Mais non, monsieur continua. Moi par contre, impossible. Je m’accroupi, rampa doucement vers ma proie, et lorsque j'en fus assez prêt, je bondis, toutes griffes dehors. Un léger craquement m'indiqua ma réussite. Lorsque je releva la tête, Aigle avait déjà décampé. Tu parles d'une partie de chasse entre amis! Je pris le petit corps encore chaud et galopa dans le chemin que mon ami avait emprunté. Où était-il passé?
Après quelques minutes je le rejoins enfin. J'aurais trébuché sur lui si je ne l'avais pas aperçu avant. Il était plaqué contre le sol et fixait une petite boule de poils non loin de nous. J'allais me tapir aussi, mais au moment où j'allais m'exécuter, il plongea sur elle et l'acheva.

« Belle prise. » dis-je, ironiquement, la gueule obstruée par le ragondin.

Je regarda autour de nous. La source, c'est donc là que tu voulais venir? Ce n'est pas le terrain le plus giboyeux pourtant...

« Pourquoi venir ici? » demandais-je sans même m'en rendre compte.