Yeux Tournés Vers l'Horizon
"Feat Placide Flamboyant"
Au loin se dessine les derniers rayons de l'astre du jour, qui, bientôt, laissera sa place à la Demoiselle à la robe de jais. Alors que la journée se termine, toute ma famille se laisse emporter par Morphée dans le Royaume des rêves, blottis les un contre les autres, laissant leur pelage s'entremêler pour ne plus être qu'une fourrure au camaïeu multicolore.
Malgré cet attendrissant spectacle je n'ai d'yeux que pour la nue qui, peu à peu, se fait d'encre, les yeux tournés vers l'horizon mon cœur s'emballe alors que tout mon corps tremble d'excitation à la pensée de ma première escapade nocturne, bientôt mes pas me guideront, au gré du hasard, sur ce territoire qui m'est inconnu et qui pourtant est mien.
Perturbant mes rêvasseries un ronflement rauque s'élève dans la tanière, la dernière de mes sœurs rejoint les autres dans un sommeil paisible, laissant ainsi libre court à mes envies d'aventures, tremblotant encore un peu plus je me lève, et, à pas lents, me dirige vers la sortie, m'éloignant de cette chaleur familiale pour bientôt être enveloppé d'un air frais et hivernal où des embruns maritimes volettent portés par la brise.
Rapidement la pouponnière n'est plus qu'un point noir dans le plat paysage et tout autour de moi n'est que nouveauté : nouveaux parfums, nouvelles sensations, nouveau Monde que j'explore sans carte ni boussole. Sans y songer me voilà porté par le zéphyr du soir, courant entre les herbes humides et les chênes me surplombant de leurs siècles et de leur taille, courant alors qu'un bruit étranger gronde au loin. D'une force céleste le vent de la liberté me pousse jusqu'à ce que, stupéfait, une immense étendue d'eau semblant ne jamais finir s'expose à mes yeux, à la vue d'un pareil spectacle je me stoppe, net, hors d'haleine et fasciné. Face à moi une lande sablonneuse à la pâleur spectrale contraste avec l'eau où, dans les vagues d'écume, miroitent milles rayons de lune, le tout provoquant une mélodie toute particulière, puissante et douce à la fois, comme les bourrasques d'automne, comme les larmes de joies inondant le visage d'une mère, comme la vie elle même. Charmé, bercé, je laisse mon regard se perdre dans l'infini de ce spectacle, je laisse mon odorat s’embaumer des senteurs marines, et, peu à peu, me dirige vers elle, naïade au chant ensorceleur, et laisse ma Belle me caresser de ses mains si douces. Trempé et heureux je ne prends garde à la respiration non loin de moi et à l'odeur suave d'un félin noyée par les parfums de sel ...
© Lady sur Epicode