Ven 15 Nov 2013 - 21:21 I remember tears streaming down your face. https://www.youtube.com/watch?v=YFEDTtKaFzU
La nuit avait recouvert le monde de son voile noir depuis bien longtemps déjà, et le halo argenté de la lune illuminait du mieux qu’il pouvait les galets argentés qui bordaient l’affluent. Seul le bruit incessant de l’eau venant effleurer les rochers épars dépossédait le silence de son envoûtante délicatesse et octroyait le trouble à quiconque s’aventurait en ces lieux appesantis par les ravages du temps. Ainsi, seul dans ce lieu à l'allure onirique métissé de désolation, Illusion Éphémère se mouvait avec une candeur désirable qui se lisait sur les moindres traits de son visage éthéré. Avec une rage prégnante occultée au plus profond des méandres de son esprit que personne n’aurait pu discerner. Il était comme ça. Il avait toujours été comme ça. La dichotomie même de deux entités altérées par l’antagonisme. L’incompatibilité de deux natures qui avaient pourtant su ne pas se faire opprimer par la charge de l’autre durant tout ce temps. Illusion Éphémère était ces mots. Ces phrases. Il représentait définitivement ce tempérament impétueux et ce physique pur et chaste qui ne laissait aucunement transparaître ses émotions les plus corrompues. Capable de vous enjôler par son sourire le plus captivant et de vous anéantir l’instant d’après. Un instant. Rien qu’un instant fatal, le temps de quelques secondes, d’un battement de paupières, d’une inspiration rauque. Et d’une expiration douloureuse. Brusquement, il lança un coup d'œil vers le ciel nocturne, parsemé d'étoiles plus brillantes les unes que les autres et reprit sa marche le long de l’affluent, frissonnant à chaque fois que l'eau venait lécher ses pattes d'un brun crémeux. Qui aurait cru que ce félin était affligé, lorsqu'on le regardait au premier coup d’œil sans rien connaître de son lourd passé ? Personne, je pense. D'habitude le visage si prude, Illusion Éphémère se laissait en cette belle soirée guetter par la nostalgie de son passé qu'il ne faisait que regretter à mesure que le temps s'écoulait. Oubliant la présence de tout être autour de lui, il s'assit sur un rocher, à une distance convenable du cours d'eau et porta son regard sur la voûte céleste, essayant de trouver dans quelles étoiles s'étaient réincarnés tous ceux qu'il avait aimé. Jusqu’à ce qu’ils périssent par sa propre faute. Il voulait les voir, les contempler, leur dire qu’il les avait aimés et qu’il regrettait presque de leur avoir ôté la vie après un accès de fureur démentielle qui n’avait su s’apaiser que quand le sol avait été jonché de cadavres estropiés. Cependant, sa bouche avait un goût d'amertume, un mélange de colère, de révolte et de tristesse à l'égard des souffrances qu'il avait déjà vécues comme étant injustes, et son regard demeurait vide. L’illusoire lueur de malice qui flambait trivialement dans ses prunelles n'était plus. Il se demandait pourquoi la fatalité s'était acharnée sur lui ? Pourquoi sur lui et pas sur quelqu'un d'autre après tout. Il en venait même à rêver d'une autre vie, une vie meilleure où il connaîtrait la joie de vivre et le bonheur d'être père de famille. Tout ce qu'il n'avait pas et qu'il n'aurait jamais, somme toute. Poussant un long soupir, exhalant son haleine teintée d’amertume, il finit par s'allonger sur le rocher, sa tête reposant entre ses pattes. Le froid venait le mordre férocement, le faisant tressaillir à chaque fois. Mais il n'avait plus la force de bouger ni de trouver un abri. De toute façon, il n'avait pas de chez-soi. Il était un intrus sur ces terres inconnues, sans ami, sans famille. Sans rien. Rien que la solitude qui l'accompagnait partout, où qu'il aille, veillant à ce qu'il reste toujours seul pour l'éternité. Seul, comme bien souvent. Personne sur qui il pouvait compter. Personne pour venir le réconforter. Personne pour venir lui chuchoter des, mots doux, des mots d'amour à l'oreille. Personne contre qui il pourrait se blottir et laisser son esprit s'évader dans les méandres de son esprit, dans un monde irréel et fantastique qui pourrait lui faire oublier toutes ses peines. Personne à l'horizon. Personne. Rien que lui et la solitude à qui il était enchaîné, la traînant derrière lui comme une condamnation. Il trouva simplement la force d'osciller pendant quelques secondes jusqu’à la clairière qu’il venait de repérer avant de s’abattre sur le sol, las et fatigué. Le vent venait ébouriffer son pelage strié de noir, comme un souffle mélancolique. Un silence accablant régnait en ce lieu qui semblait se faire silencieux, peu à peu, respectant son deuil qu'il n'avait jamais su faire. Que représentait la vie après tout, dans cet univers ? Elle n'était qu'une infime seconde parmi l'infini, rien qu'un court moment où l'on éprouvait désir, pulsions, amertume, tristesse, colère, souffrances. Chaque vie dessinait une courbe sur la ligne du Temps et puis c'en était fini. Le Temps, cette divinité malveillante que nul n'avait réussi à apprivoiser. Le Temps, incorruptible et cruel, qui vous rend impuissant. Le Temps qui s'échappe, qui coule, qui glisse entre vos griffes, vainement. Le Temps que vous ne pouvez rattraper. Le Temps qui vous fuit, qui vous rattrape. Le félin avait compris. Il savait qu'il était inutile de courir à perdre haleine derrière, d'essayer de rattraper le temps perdu. Il finirait bien par se laisser distancer et sombrer dans les abîmes de l'oubli, comme bien d'autres qui avaient trépassé et dont on n'avait jamais plus parlé. Pourquoi craindre une mort dont il se prenait presque à espérer la venue imminente ? Sa filiation, sa dulcinée condamnée de sa propre griffe et toutes ses victimes qu’il avait laissé dans son sillage l’attendaient, là-haut. Pour lui faire subir le châtiment éternel que jamais il ne pourrait éluder.
| Date d’inscription : 09/11/2013 Messages : 4915 Puf : caspian Rang EÉF : Légende Âge : 26
|