Post #1

Un flocon descendit du ciel. Lentement. Un autre suivi, puis encore un et ainsi de suite. La douce étrangeté de la neige nimbait la terre d'un éclat plat. L'on aurait dit qu'une main était venue caresser l'écorce du monde pour l'attendrir. Au milieu de cette atmosphère quelque peu onirique, quelque peu mélancolique, se trouvait le Clan du Tonnerre. L'ambiance qui y régnait était en totale contradiction avec le temps: les guerriers blessés, affaiblis, pansaient mutuellement leurs plaies, se remettant de la défaite contre le Clan de la Rivière. La guérisseuse s'affairait de part et d'autre, comptant ses grains de pavots, distribuant des toiles d'araignées et des paroles rassurantes aux combattants. Aux revenants. Astre de Cobalt se sentait étrangement mal à l'aise. Un mauvais pressentiment enserrait ses viscères. Contrairement aux autres il était encore frais et disponible, grâce au Clan des Étoiles il avait retrouvé ses forces d'antan. De plus, il n'était arrivé que vers la fin de la bataille contre la Rivière et n'avait par conséquent subit que peu de dommages. Assis près de la pouponnière, où les chatons gambadaient gaiement entre les flocons, il se surprit à observer son Clan d'un autre œil. Distant. Ces lunes parmi le Clan des Étoiles avaient changé quelque chose en lui sans qu'il puisse dire quoi. Ses pensées le submergèrent bientôt, transformant son entourage en un brouillard opalescent...


« LE CLAN DE L'OMBRE! LE CLAN DE L'OMBRE ATTAQUE! »

Surprit, Astre de Cobalt se dressa sur ses quatre membres tous les sens en éveil. Une forte odeur d'eau stagnante et de corbeaux en provenance du Nord semblait amplifier. Le Clan de l'Ombre. Fulminant, il se précipita avec d'autres guerriers à travers le tunnel d'Ajonc pour tenter de les repousser. L'ancien chef reconnaissait bien là leurs manières répugnantes, attaquer un Clan affaiblit pour mieux le terrasser s'assurer une victoire, facile certes, mais incontestable. Feulant de rage, il dévoila les crocs et se jeta sur le premier guerrier ennemi qui se présenta à lui. Ses pattes s'enfoncèrent dans son thorax, lui coupant le souffle, le stoppant net. Retournant son adversaire, Astre lui lacéra le ventre à grands coups de griffe. Sa rage avait pris le contrôle de ses mouvements: il ne lui accorderait aucune pitié. Laissant le corps ensanglanté se vider sur la fine couche de neige, il s'en prit à un chat écaille dont les yeux jaunes brillaient de ruse. Feintant une attaque par la droite, il sauta par dessus le félin de l'Ombre, atterrissant sur son coccyx. L'autre miaula affreusement mais fut assez agile pour entailler l'épaule d'Astre de Cobalt en se retournant. Feulant, ce dernier plongea vers la gorge de son adversaire qu'il perça. Se relevant, il se rendit compte que la plus grande partie des assaillants avait déjà progressé vers le Clan du Tonnerre. S'éloignant du chat écaille qui s'étouffait dans ses fluides, il se dirigea vers les hurlements guerriers au galop.

Une bouffée de terreur envahit son corps lorsqu'il vit des combats au sein même de son Clan. Prenant son élan en s'appuyant sur une racine, il sentit la plaie à son épaule s'ouvrir un peu plus et du sang chaud couler le long de ses pattes, teintant le sol blanc de gouttelettes rouges. Les arbres noirs cachaient le ciel qui le surplombait, obombrant le champ de bataille. Des nuages de vapeur s'échappaient des guerriers en pleine action. Enjambant un cadavre tiédasse il s'engouffra par le tunnel d'ajonc vers l'admirable imbroglio félin. Bousculant deux duellistes au corps-à-corps, ses yeux smaragdins captèrent un étrange spectacle au centre de ce théâtre hostile. Enchantement de la Biche et une guerrière du Clan de l'Ombre se toisaient près de la pouponnière. Cependant, le regard qu'elles échangeaient n'exprimait rien d'hostile, comme deux vieilles amies se reconnaissant après une longue séparation. La chatte aux yeux bleus s'éloigna soudainement d'Enchantement pour se trouver un autre adversaire. Elle fut presque aussitôt remplacée auprès du Lieutenant du Tonnerre par deux fauves menaçants. Alors qu'il allait aider cette dernière, un guerrier adverse percuta Cobalt, le renversant lourdement sur le sol. Maudissant son manque de concentration, il se contorsionna sous le poids de son adversaire pour lui échapper. Des griffes percèrent sa chair près de son cœur et, feulant, il roula avec son adversaire, le plaquant à son tour au sol. Plantant ses yeux dans les siens, il hésita à le tuer. Son adversaire était encore jeune et lui ôter tant de lunes retourna l'estomac de Cobalt qui ne put succomber à cette cruauté. Crachant au visage du guerrier de l'Ombre, il lui lacéra les flancs, le dos, le ventre, le laissant inerte mais vivant. Étant à terre, aucun guerrier ne l'attaquerait et il savait que ce chat trouverait la force de retourner à son clan lorsque sonnerait la retraite. Ses blessures n'étaient pas très profondes et ne tarderaient pas à coaguler, lui évitant une mort atrocement lente. Astre de Cobalt fit volte face un goût amère dans la bouche, celui du sang, et se rua vers la pouponnière pour prêter main forte à son amie.

La bataille contre le Vent est finie, le Clan a tenté de se reconstruire, comme il pouvait. Mais tout est allé si vite, et maintenant, c'est l'Ombre qui attaque. Les boules de poils volent de toutes part. Tu les regardes tous comme si ils étaient étrangers, différents. Mais qui sont ils part ta famille, tes amis ? Tu n'as aucune envie de te battre, lâche. Tu le dois pourtant. Qui serai tu si tu fuyais, là, au moment crucial ? Encore plus lâche qu'avant, encore plus insulté qu'avant. Cette fois tu ne pourrais plus revenir, tu serai fini. Tu devrais déserter. Abandonner tes enfants, et abandonner Enchantement de la Biche. Tu préfères encore blesser quelques guerriers.

Tu te jettes dans la bataille, comme ça, sans réfléchir. mais n'as tu pas toujours agis ainsi ? Sans réfléchir. Si, tu souris, tu te reconnais bien à ce moment. Comment un apprenti fier de lui se jetant dans la bataille pour son Clan. Sans savoir qu'il ne servira pas à grand chose. Une apprentie te bouscule, à son odeur elle est du Clan de l'Ombre, mais surtout, tu sens sa peur. Tu ne la touches pas, surement de la pitié. Puis c'est là que tu la voies, tu l'avais presque oublié. Ta soeur. Elle se bat comme toi, avec rapidité. Tu t'élances vers elle, mais avant de l'atteindre, un énorme matou te rentre dedans, il te clou au sol et tu ne fais qu'entre apercevoir Reflet d'Eden se battre. Qu'allais tu faire ? Allais tu la sauver, te battre avec un guerrier de ton propre Clan ? Idiot. Le chat te lacère le flan, et tu reviens à la réalité. Tu mords sa patte, mais il ne réagis pas, tu tentes péniblement de l’éjecter, mais tu n'y parviens pas. Il continue de te blesser, tu sens ton sang couler. Tu ne vas quand même pas mourir ? Tu donnes un grand coup de patte dans son flan, il se décale à peine. Il est si lourd.... C'est ridicule. Tu es ridicule, tu te tortilles pour apercevoir la pouponnière. Enchantement de la Biche est sur ses gardes, avec elle les petits sont en sécurité. Tu continue de lutter, en vain. Et sans même le vouloir, sans même t'en rendre compte tu l’appelles à l'aide. Un cri perçant, qui te surprends toi même. Non ! Elle doit protéger les petits, tu espères, sans vraiment y croire, qu'elle n'est pas entendu.

Je me débats comme le beau diable pour m’arracher à l’étreinte d’un des matous. Il vient de me clouer au sol et me lacère le dos à grand coup de griffe enragé. Je hurle de douleur cherchant de mes pattes une quelconque dans le sol meuble et sablonneux. Le deuxième vient à son aide, et m’assène un coup de patte dans la joue. Un filet de sang jaillit de ma bouche, je tends le coup difficilement pour le mordre je ne sais trop où, aux babines je crois. Il couine, je fais l’effort de resserrer encore la mâchoire. Et puis d’un coup le poids sur mes épaules s’évanouie. Du coin de l’œil, j’aperçois la fourrure de jais d’Astre de Cobalt. Mon cœur se gonfle de gratitude. Péniblement, je me remets sur mes quatre pattes pour reprendre mon combat. Je remarque avec une certaine satisfaction que sa bajoue est perforée. Ses yeux brillent de colère. D’un coup d’œil, j’avise une myriade de touffe de poils tigrés. Je ferme les yeux pour m’empêcher de regarder l’état de mon échine, ça ne doit pas être beau à voir.

Je m’apprête à donner l’assaut sur le félin ennemi lorsqu’un cri m’interpelle. Mon nom. Quelqu’un crie mon nom ! Je pivote sur moi-même, les oreilles aux aguets, cherchant l’origine de l’appel. Et puis soudain, d’un même mouvement, la foule de guerrier enragé se fend légèrement, me laissant apercevoir un corps, une fourrure bicolore écrasée sous le poids d’un guerrier aux larges épaules. Je pousse un hurlement d’horreur et de rage, plante-là mon ennemi, laissant par la même la pouponnière à la charge d’Astre de Cobalt, puis je me rue, la douleur envolée, vers les deux matous. Je bondis, les pattes tendues vers l’avant et percute l’ennemi de plein fouet. Celui-ci ne s’y attendait sans doute pas, il titube et lâche prise. Je feule et entreprend de le rouer de coup de griffe furibond. Il s’écarte d’un pas, je reconnais alors en lui un guerrier que j’ai déjà combattu il me semble, lors d’une altercation à la frontière. Dernière Braise, un matou massif au pelage charbonneux. Je n’ai pas le temps de réfléchir plus qu’il se jette sur moi. Emporté par son élan, nous roulons ensemble sur plusieurs mètres en échangeant des coups de pattes frénétiques. Il ne finit pas prendre l’avantage, mais profitant une dernière fois de notre lancée, je parviens à l’éjecter de mes pattes arrière. Il vole au-dessus de moi et se réceptionne souplement. Je ne perds pas de temps, je me relève immédiatement, crache, et repars à l’assaut. Je lui saute sur le dos et plante mes dents dans sa nuque. Il couine plaintivement et entreprend de se cabrer pour me faire lâcher. Je tiens bon et resserre mon étreinte jusqu’à ce qu’il cri grâce. Satisfaite, je le relâche, les muscles demeurant tendu. Il me lance un regard haineux avant de s’enfuir à la recherche d’un nouvel adversaire.

Je me précipite vers Bois de Frêne. Le matou de mon cœur est couché, haletant mais vivant. J’ai envie de hurler de soulagement. Oubliant tout, et même la bataille autour de moi, je me pelotonne contre lui, enfouissant mon visage dans sa fourrure ensanglantée. J’aurais pu rester longtemps comme ça. Doucement, je lève le cou, lui effleure l’oreille et murmure dans un souffle.

« Je ne veux plus te perdre, je t’aime trop »

Je frotte ma joue contre la sienne avant d’entreprendre de lécher son pelage et ses blessures sanguinolentes.

Elle arrive, tu sens la vibration de ses pattes, son odeur, et bientôt son souffle enragé. Elle bondit sur le matou, ils roulent ensemble un peu plus loin. Tu les regardes se battre, tu tentes de te relever. Tune peux pas la laisser ainsi, si c chat lui faisait du mal ? Tu le tuerai, oh oui tu n’hésiterai pas. Mais pour l'instant, c'est elle qui te sauves, la chatte que tu aimes tant reçois et envoie de violents coups de griffes non loin de toi, et tu es impuissants. Tu donnes toutes forces pour te relever, mais ton épaules te brûle horriblement. Tu n'arrives pas à la bouger. En te tortillant tu aperçois une entaille plutôt profonde, tes poils sont tachés de sang. Et ça pue, ça pue le sang. Au second plan, tu les vois, elle n'est pas lieutenante pour rien, en peu de temps, elle se débarrasse du matou. Alors que toi... Toi tu n'arrivais même pas à te dégager de ses pattes. Tu es faible. Tu ne serai rien sans elle, tu serai mort ! Tu as honte, et en plus, elle est en danger à présent, même si tu sais qu'elle est forte, tu l'as entrainé dans un duel avec cet énorme matou. Si il lui arrivais quelque chose, tu ne te le pardonnerai jamais.
Heureusement, elle revient vite, apparemment, elle n'a aucune blessure grave. Tu es soulagé, et laisses échapper un long soupir de joie. Elle se blottie contre toi, son corps chaud t'enveloppe, tu poses faiblement ta tête sur son flan. lest là, près de toi. Tu as envie de la rassurer, car tu sens sa peur.

« Je ne veux plus te perdre, je t’aime trop »

Tu frissonnes, toi aussi, tu l'aimes tant. Elle t'as tant manqué. Elle se met à lécher vigoureusement tes blessures. Tu as du mal à bouger, mais tu réussi à lui donner un coup de langue affectueux sur ta tête, et vos queues s'enroulent. Tu murmures dans son oreille.

" Je suis désolé, je t'ai mis en danger, j'ai été idiot, je regrettes. Je regrettes tant !"

Tu t'abandonnes au sol, attendant que tes blessures te fasses moins mal. Ton épaule a arrêté de saigner, grâce à elle. Tout est grâce à elle. Tu ne l'a même pas remerciée, tu t'es contenté de t'excuser. Idiot. Elle sembles encore toute retournée, tu ressens le besoins la consoler, de la couvrir de ton corps. Tu es plus jeune, mais elle est si petite. Comme une apprentie, et pourtant redoutable. Tu souris en la regardant faire, elle est si belle. Tu l'aimes plus que tout. Comment as tu pu la quitter ? Tu oublies la bataille qui s’achève autour de vous et tu attrapes sa queue, tu l'attires - un peu violemment - contre toi. Tu ronronnes à son contact.

"- Je t'aime tant Enchantement de la Biche. Merci de m'avoir sauvé, merci d'être là, de m'aimer. Je ne serai rien si tu n'étais pas là pour me donner une raison de rester ici, de me battre, de vivre. Je suis désolé. Si il t'était arrivé quelque chose, je ne sais pas ce que j'aurai fait. Quand je suis parti, ton absence m'a été insupportable, encore plus que celle des petits. Je t'aime de tout mon être Enchantement de la Biche. Je suis désolé, je ne partirai plus. Je resterai, toujours. "